dimanche 21 novembre 2010

Le temps exprime le passage de la contradiction à la non contradiction. La question : qu'est-ce que le temps? renvoie au faire, qui set l'absence d'ordre et le bouillonnement à l'état brut. Du coup, le faire est contraint de créer son complément en reflet, l'être. Le temps est l'ordonnation du monde, soit le fait de donner à l'être un ordre et un principe de non contradiction. Sans le temps, le verrou sauterait et la contradiction reprendrait le dessus.
Le temps n'existe pas sans la mort et la notion de vieillissement. Pourquoi le devenir, soit l'idée que le changement est constant dans l'être? Le changement renvoie à l'action du néant sur l'être. La création par reflet de l'être est certes nécessaire dans l'ordre de l'incomplétude mutuelle entre le néant et l'être, mais l'être est sans cesse accompagné de néant. L'être est incomplet. Le néant non seulement renvoie à l'état d'infini et de néant qui existe en sus, mais à cet état de néant qui accompagne l'être, comme si l'être et le néant se trouvaient sans cesse interconnectés.
L'articulation et la suivante : pas d'être sans néant, mais cette adjonction de néant est relative à l'existence supplémentaire d'un néant en reflet, d'un néant pur qui relève de l'existence, qui est un faire, et pas un néant nihiliste. Le temps signale le besoin d'ordonner le faire dans l'ordre de l'être, mais cet ordonnancement (agencement) produit une incomplétude qui implique à la fois que le néant soit associé à l'être et que le reflet engendre en sus l'existence du néant néanthéiste en complément de l'être. Il subsiste un résidu de faire dans l'être en plus du faire pur.
L'explication porte sur la question essentielle de l'unité. Pas de nihilisme sans représentation duelle et antagoniste du réel. L'unité est antinihiliste au sens où l'unicité et l'unité du réel ne sont pas compatibles avec le nihilisme. Si l'univers est un, il ne peut mener vers la destruction (l'autodestruction), mais vers la construction de cette unité inaliénable. Cette unité n'est réalisable que si le néant se trouve présent au coeur de l'être en sus de son existence propre. C'est-à-dire que pour que l'unité soit réalisée, il convient que le complément néant soit uni avec l'être. Dans le schéma nihiliste, l'antagonisme rend impossible l'unité.

jeudi 18 novembre 2010

Les nihilistes sont les gens qui sentent que le réel n'est pas constitué par un modèle univoque, mais équivoque. Du coup, ils poussent leur modèle au maximum, à l'excès, pour ne retenir que le réel univoque. Ils fondent leur réel antagoniste - et ne se focalisent plus que sur l'élément connu du réel : le fini. L'autre élément, le complément quel que soit le nom qu'on lui donne, leur est étranger. Selon eux, ce complément n'est rien. Autant dire que c'est le chaos, qui imprègne de sa texture prégnante notre monde, mais qui ne lui est pas relié. Les nihilistes fondent le modèle antagoniste avec cette idée que le réel est duel, qu'il n'est pas Un.
D'où le caractère savoureux de la critique de Nietzsche contre le platonisme et le christianisme, lorsque notre philologue malade leur reproche d'utiliser le dualisme. Belle projection de diablotin candide et pathétique, mais c'est lui, le prophète de l'immanentisme tardif et dégénéré, qui commet ce travers, avec cette idée que le vrai dualiste récuse l'unité du réel (et son unicité), alors que le monothéiste appartient à la tradition des transcendantalistes, selon laquelle l'unité est primordiale. Dans cette tradition, quelles que soient les différences, il faut que le réel soit relié à une unité fondamentale.
D'où le mécanisme du transcendantalisme, qui est opposé au nihilisme : alors que le nihilisme est antagoniste, le transcendantalisme est dans le prolongement/englobement. Du coup, l'erreur du transcendantalisme est d'estimer que l'Etre est le prolongement de l'être, alors que ces mêmes transcendantalistes ont senti, position plus importante que leur erreur, que la réalité ne s'arrêtait pas à l'être (sensible). Leur attitude face au réel est supérieure à l'inclination nihiliste, mais leur schéma s'arrête aux bornes de l'Etre : soit l'idée selon laquelle la Terre est leur petit monde local et que l'univers ressemble à la Terre fondamentalement (thèse de Rosset, qui ne fait que reprendre Aristote et Spinoza, selon qui la connaissance humaine est capable de comprendre le réel à condition qu'il soit fixe et fini).
Fin de partie : les nihilistes sont ces savants qui en bons sophistes ont préféré tirer le rideau dès le départ et avancer que le réel correspond à l'immédiat. Connaissance quelque peu extensible au fil des millénaires, mais connaissance figée dès le départ - à un moment ou un autre. Connaissance qui s'arrête à la connaissance du moment. Ce qui n'est pas connu correspond à ce qui est connu en tant qu'il est fini et fixe. Le reste n'est rien. Les transcendantalistes ont fondé un schéma qu'ils estimaient de bonne foi valide pour l'ensemble du réel, y compris le non connu. Ce qui n'est pas connu correspond à ce qui est connu en tant qu'il n'est pas (de) rien. Le pari des transcendantalistes triomphe du nihilisme atavique (dans l'Antiquité, le monothéisme triomphe des sophistes et surtout d'Aristote le prudent), mais échoue après les bornes terrestres. Car l'espace n'est pas formé sur un modèle de possible extension du modèle d'être (sensible).
Raison fondamentale pour laquelle des débats aussi âpres ont lieu à l'heure actuelle ente ceux qui désirent se rendre dans l'espace et ceux qui prétendent que c'est lubie impossible. Ce sont les mêmes positions (autour du nihilisme) qui ont toujours empêché le progrès, alors que le progrès est obligatoire à la survie humaine. L'homme est la créature de l'infini qui dépérit dans le fini. Avis aux thuriféraires actuels de l'idéologie impérialiste de la décroissance, qui postule que le réel est fini. Merci, Messieurs les croque-morts, de vous préoccuper de vos enterrements, au point que vous vous arrangiez pour en faire les ultimes de l'espèce humaine.
Cet argument ontologique (contre l'idéologie décroissante et les théories affiliées) échappe trop souvent à ceux qui défendent le progrès dans l'espace (plus généralement le progrès), car ils fondent leur position sur l'expérience, plus que sur des principes. Mais la raison principale du blocage tient à l'impossibilité conjointe du transcendantalisme et du nihilisme (sous la forme immanentiste moderne) de déchiffrer le réel spatial (non terrestre). Là où le transcendantalisme considère que ce qui n'est pas de l'Etre n'est pas du réel, le nihiliste considère que ce qui n'est pas fini est du néant, soit une forme étrangère, agressive et incompréhensible (antagoniste).
Le transcendantaliste conservateur et orthodoxe (figé dans un monothéisme littéraliste) n'a accès à l'Etre que par prolongement et tiendra la conquête spatiale pour une perte de temps; le nihiliste s'en moque éperdument, estimant que seules comptent les productions de son désir. Les deux positions au fond n'ont pas accès à l'espace - et il faut bien du courage pour se situer dans la position transcendantaliste et opter pour la conquête spatiale. Quant à la position nihiliste, elle ne peut mener vers l'espace, puisqu'elle se révèle en faveur de la fixité de la connaissance et du monde de l'homme.
Il est obligatoire et terrifiant de devoir fonder une continuation au transcendantalisme lui-même, entreprise qui excède de loin le changement du monothéisme, qui est de dimension interne. Ce n'est pas le polythéisme qui s'est effondré et qui fut remplacé au sein du transcendantalisme par le monothéisme. C'est le transcendantalisme qui est à changer dans son ensemble. Le remplacer implique de relier l'unité rendue supérieure par les transcendantalistes avec le point initial entrevu par les nihilistes, l'équivocité du réel, mais aboutissant à leur égarement dans le désespoir.
Les nihilistes ont compris que le réel n'était pas formé de manière univoque par le prolongement/englobement; et qu'il était formé à partir d'une relation de différence entre le fini et l'infini (alors que le transcendantalisme postule que l'infini est le prolongement du fini). Les nihilistes ont accompagné leur remarque initiale (pertinente) par l'erreur du fait du désarroi intellectuel dans lequel ils se trouvent : face à l'inconnu du réel, ils se proposent de choisir le fini comme exclusif outil de certitude.
Cette méthode engendre immanquablement l'erreur car elle produit une incertitude plus grande que celle qu'elle prétend éliminer - au nom de la peur de l'incertitude. Réponse du transcendantalisme : face à l'incertitude qui fait peur, l'incertitude du réel, mieux vaut miser sur l'incertitude positive que sur la certitude négative. La certitude engendre l'erreur définitive; quand l'incertitude permet au moins une progression positive (même limitée et relative). Le nihilisme est négatif; le transcendantalisme est positif. Mais cette positivité a ses limites.
Ses limites ne consistent pas à valider une partie du nihilisme, car le nihilisme propose l'antagonisme comme modèle et débouche sur l'idée que l'infini est inconnaissable. Le modèle de néant infini que soutient le nihilisme n'est pas viable et donc - pas acceptable. Par contre, le transcendantalisme qui est arrivé à ses limites (transposables en territoire géographique) va être contraint de muter pour poursuivre sa route. Soit il intègre la leçon du nihilisme; soit il disparaît. Le nihilisme n'est pas l'ennemi du transcendantalisme, il en est la face sombre et erronée. L'obscur peut apporter à la lumière en ce que l'obscur contient sa part de vérité. La vérité du nihilisme c'est que le réel n'est pas formé sur un mode univoque, par prolongement.
Le restant, les affirmations que propose le nihilisme, sont toutes fausse et dangereuses. Rappelons que le nihilisme mène au néant. Mais l'idée selon laquelle le réel n'est pas constitué d'un matériau univoque est la clé pour poursuivre l'oeuvre transcendantaliste. Ironie de la dialectique atavique, le nihilisme a pressenti la vérité profonde qui permettrait au transcendantalisme de suivre sa route. Le nihilisme s'est montré sur ce coup plus perspicace et visionnaire que le transcendantalisme. La réponse transcendantaliste a été plus pertinente et viable dans une portion de réel circonscrite à la Terre.
Au-delà, il faut pour poursuivre la route du sens reprendre l'intuition nihiliste en la corrigeant de son grave vice destructeur : non, le schéma fondateur du réel n'est pas l'antagonisme. Non, le réel n'est pas duel (affirmation que les monothéistes qualifieront de diabolique). Car l'erreur principale des nihilistes avaient déjà été entrevue par Platon, avec l'inféodation du néant à l'Etre (sous la figure principale de l'autre).
Cette fois, il ne s'agit pas d'inféoder le néant à un principe supérieur (infini), mais de donner à l'infini la définition du néant. Avec une précision d'importance : ce néant-là n'est pas le néant nihiliste. S'il crée la caractéristique de l'enversion, comme correction majeure de l'antagonisme, l'enversion ne suit pas le schéma antagoniste. Ce néant indique simplement que le réel est un, mais que cette unité est fondée sur le rapport d'enversion, ce qui implique la négation du prolongement transcendantaliste et l'idée selon laquelle l'englobement est une notion caduque : car l'englobement est contradictoire avec l'enversion, qui implique au contraire le reflet pour modèle ontologique.
Rien à voir entre le néant néanthéiste et le néant nihiliste. Le néant nihiliste n'est pas et n'est pas - pensable. Alors que le néant néanthéiste est, mais d'une manière d'enversion qui indique que la complétude du fini se fait par le complément équivoque d'une autre texture au réel que l'être. On peut être réel sans être de l'être. Et : l'on peut ne pas être tout en étant dicible par le langage. De ce point de vue, le Logos monothéiste est transposable en termes néanthéistes : c'est l'idée selon laquelle le néant est dicible par le langage de l'être parce qu'il y a unité entre les termes du réel.