mardi 23 mars 2010

La mort néanthéiste nous confronte à l'incomplétude de tout ordre doublé de l'incomplétude fondamentale de Dieu. Contrairement à ce qu'estime une nouvelle recherche scientifique soudain investie des pouvoirs de la science-fiction fantasmatique, nous ne nous situons pas dans un dédale d'univers parallèles superposés et/ou coexistants, qui constitueraient le tout présent (simultané) du réel. Au contraire, nous vivons dans un ordre qui est présentement le tout de notre expérience et qui ne se déroule pas en même temps que la myriade infinie et indéfinie des autres ordres. L'incomplétude suppose que l'ordre incomplet donné soit le seul ordre donné en même temps que l'incomplétude viscérale du néant que nous appelons divin et qui ne cesse d'exister par-delà les nécessaires ordonnations. Quant aux autres ordres, ils existent en nombre infini. Mais pas en coexistence. Les uns indépendamment des autres - à la suite les uns des autres, pour s'exprimer en termes de temps. Nous passons d'un ordre à un autre. C'est le principe de la réincarnation. La réincarnation néanthéiste ne se déroule pas dans le même monde ou dans le monde unique. Elle intervient dans le déroulement infini et non superposable des ordres/mondes. On passe d'un monde à un autre, indéfiniment. C'est le principe de l'éternité. L'éternité est le couplage de l'ordonnation finie et incessante avec l'existence incomplète et éternelle d'un ordre de néant pur, le divin. La seule coexistence se déroule entre cet ordre unique quoique appelé à toujours changer et ce néant toujours incomplet. C'est l'état auquel correspond la simultanéité de l'éternité chère aux théologiens chrétiens.

lundi 8 mars 2010

Qu'est-ce qu'une identité? Une identité se forme quand on peut opposer un intérieur et un extérieur.
L'opposition se traduit par la différence de nature entre cette limite qui forme le groupe. Qu'est-ce qui soude un groupe? Le groupe est un corps ou une volonté générale. La force supérieure de la volonté générale sur la volonté individuelle indique la différence entre l'individu et le groupe : l'homme en groupe présente plus de capacité de pérennité et de solidité que l'individu - seul. Sur sa planète, qu'il est appelé à quitter s'il veut subsister, l'homme est le plus fort des animaux en tant que groupe. C'est sa faculté à proposer une volonté de type général qui lui confère sa supériorité. Seul, il ne serait qu'un pantin vite disparu. La supériorité de l'homme sur les autres animaux vient de sa faculté à se mouvoir dans un type de réel qui n'est pas fixe, mais qui est dynamique. Soit l'homme croît; soit il décroît. Dans la notion de groupe, cette supériorité se traduit par une faculté à associer à un territoire circonscrit et donné une certaine idée, une certaine conception.
L'identité naît de cette faculté à se réclamer plus d'une idée que d'un lieu tout en combinant l'idée au lieu, au point que le lieu désigne l'idée et que la représentation d'un peuple concorde avec une certaine représentation idéelle. L'identité collective crée un fondement supérieur à l'identité singulière en ce que l'identité singulière s'en tient à l'identité sociale et que cette identité sociale s'ancre sur le physique. L'identité individuelle s'ancre sur l'immédiateté physique comme l'identité du groupe s'ancrerait sur le territoire géographique donné. Dans les deux cas, nous nous mouvons dans une approche statique et finie du fondement identitaire.
L'identité individuelle est tronquée : elle ne possède pas d'extériorité. Elle est centrée sur son intériorité. Cette identité individuelle débouche sur des mésalliances de groupes, dont le fondement demeure quoi qu'il arrive l'individu. Ce sont les factions, soit des regroupements non réussis où l'addition des volontés singulières ne débouche en aucun cas sur l'édification d'un groupe, soit d'une volonté générale. Le groupe ne peut se constituer qu'avec une extériorité qui soit perçue comme étrangère.
Sans cette tension entre l'intérieur et l'extérieur, le groupe ne se forme pas. L'intérieur pur débouche sur la staticité de l'impérialisme, soit sur des factions qui s'opposent à la constitution (dans tous les sens du terme) d'un groupe/d'une volonté générale. Telle est l'idée qui constitue le groupe : une idée n'est pas un objet défini, statique et délimité. C'est une dynamique qui pousse vers l'extérieur. Si l'impérialisme des factions débouche sur l'individualisme et sur une limite infranchissable, qui est le monde de l'indépassable, la dynamique du groupe pousse l'homme à ne jamais s'en tenir à une certaine limite.
Le groupe croît toujours. Les limites sont faites pour être dépassées. Considérer qu'une limite est indépassable est une approche fausse, statique, impérialiste. Cette évolution physique va de pair avec une théorisation proportionnelle à l'accroissement physique. L'idée qui croît en importance devient plus importante que le territoire. Le polythéiste est regroupé en groupes tribaux. L'homme monothéiste croît vers l'idée de nation, qui associe le territoire à une certaine idée.
La croissance (plus idéelle que physique) s'oriente vers la mondialisation. L'étape suivante du groupe est orientée vers l'espace. Le salut de l'espèce. La prochaine évolution du groupe accroîtra encore la part de l'idée par rapport au territoire. L'unité de territoire sera la planète, étant entendu que le but est de coloniser l'espace. Plus le groupe évolue, plus l'idée s'impose sur le territoire. La constitution de l'État-nation sanctionne cette évolution qui veut que la prochaine étape regroupe les territoires sous l'idée d'homme. On sera passé d'une conception initiale tribaliste où l'homme est l'étrange étranger s'il n'est pas compris dans la limite tribale à une conception où tous les hommes sont intégrés dans la dimension identitaire.
Dans les conceptions précédentes au groupe planétaire, l'extérieur correspond à l'humain. Dans la conception du groupe planétaire, l'extérieur correspond au non humain. L'étranger est le non humain. Le non humain est intégré au domaine de l'identité. Pour que l'homme évolue, il doit s'appuyer sur une conception religieuse qui lui indique un domaine fini qu'il puisse conquérir. Le religieux énonce le champ de ce fini à conquérir et y ajoute un horizon supérieur qui correspond à l'infini.
Reste que l'identité ne se manifeste jamais par rapport à l'intériorité, mais par rapport à l'extériorité. L'intériorité exclusive (pure) traduit une détérioration de l'identité qui n'est plus une identité collective (comprise sous le terme de volonté générale) et qui est une identité incomplète. L'intérorité exclusive met à mal la conception nécessairement imparfaite et incomplète de l'identité. Pour les immanentistes, l'identité comme le désir sont complets. C'est bien entendu faux et ils sont incapables de démontrer leur mensonge assumé, voire assuré.
L'incomplétude de l'identité implique que l'identité tende vers le changement, soit vers l'accroissement (pour qui est mû par l'instinct de conservation, la décroissance exprimant l'instinct de mort). L'incomplétude identitaire (l'incomplétude de la partie) se compense par la notion de croissance. Raison pour laquelle le nihilisme exploite la carence sémantique pour légitimer ses erreurs : complétude de l'identité fondée sur le désir ou stabilité oscillant selon les époques avec la décroissance plus ou moins assumée.
L'identité est mise à mal par le refus d'extériorité, qui légitime la domination sur l'espace clos, fini et figé; l'incomplétude est légitimée par sa nécessité travestie et par l'impossibilité (catégorie nihiliste) du changement. Au final, l'identité tronquée et lacunaire n'est pas tant une identité incomplète (ce que l'identité est dans tous les cas) qu'une identité figée, sclérosée et impossible. Une identité qui parce qu'elle est figée se commue en besoin d'irresponsabilité, soit de sans cesse refuser d'assumer son identité en démultipliant les identités lacunaires et nihilistes.
Identités non identifiées? Contre l'identité parcellaire et manquée de l'intériorité, l'identité orientée vers l'extérieur est l'identité qui permet de préserver le mode de fonctionnement spécifique de l'homme, selon lequel le réel est infini et le réel fini constitue un mythe aussi pernicieux que fallacieux.