lundi 28 mai 2012

Si l'on voulait décomposer l'acte de création du réel, il faudrait inverser l'ordre proposé par le transcendantalisme : le Créateur ordonne la Création du fait d'un pouvoir indescriptible et inexplicable : l'Etre crée l'être à partir du chaos originel, tout aussi inexpliqué. Le divin surgit du produit entre l'hétérogénéité originelle du réel. L'élément que le nihilisme identifie de manière dégénérée (au sens premier) comme le non-être renvoie au malléable. Le malléable présente la qualité de malléabilité combinée à la nécessité d'user de cette malléabilité pour ne pas se renfermer sur son autre propriété : la contradiction. La malléabilité ne figure pas l'élément qui serait physiquement étendu, mais au contraire le dense qui a la propriété de générer de l'ordre extensible. La difficulté extrême à cerner cette malléabilité est qu'elle est hétérogène avec l'ordre qui s'en suit. 
Elle est dense, infiniment une et ramassée sur elle-même, avec la propriété de contradiction si elle demeure renfermée sur elle-même. C'est cette qualité originelle et disjointe de malléabilité qui crée l'ordre fini pour sortir de l'impasse de la contradiction et parvenir à la pérennité du réel. L'ordre naît par nécessité, nullement du fait de la volonté inexplicable du divin. Il est particulièrement difficile pour l'entendement fini de comprendre la disjonction entre l'ordre de la malléabilité, car l'entendement conçoit à partir de normes qui sont bornées par les modalités de l'ordre, alors que le propre du malléable est d'obéir à une organisation qui n'est pas celle de l'ordre. Ni étendue, ni temporalité. Le divin désigne cette union entre le disjoint : il est le réunifié. Il ne réunit pas au sens où il serait la source de l'action, mais où il résulte de cette action.
L'antériorité chronologique de l'hétérogénéité disjointe dans la texture du réel relève de la reconstitution ordonnée, comme l'état de nature. Les trois moments : le malléable, l'ordre suscité pour résoudre la contradiction, et la création postérieure du divin, sont en fait une seule et même manifestation, qui ne peut être comprise que selon le mode de la disjonction : il serait faux de comprendre ce phénomène selon le prisme de l'ordre, car le temps et l'espace ne se déploient que dans la sphère de l'ordre - qui est finie, limitée, non pas représentative du réel. Si le divin devait être caractérisé par le néanthéisme, ce serait avec deux évolutions par rapport au transcendantalisme :
1) le divin suit l'état initial artificiel de malléabilité
2) le divin est dans une position de passivité qui en fait plus le créé que le créateur et qui explique la liberté à l'aune de cette passivité.
La création est corrélée au transcendantalisme, avec l'idée que l'Etre crée à partir du néant. Si Dieu crée à partir de rien, cela implique que la création présente un caractère inexplicable. Comment l'Etre est apparu? Hésiode dans l'Antiquité est un bon exemple de la mentalité polythéiste en ce qu'il n'explique pas. Descartes se situe dans l'inflexion de la logique monothéiste avec son deux ex machina : expliquer Dieu par le miracle s'explique par le fait que le monothéisme entend rationaliser l'ordre : il y a disjonction entre la raison divine et la raison humaine. Si l'on veut rompre avec la tradition de l'inexplicable, le rationalisme augustinien comme l'irrationalisme de type métaphysique, il convient de comprendre que le critère du transcendantalisme est dépassé en ce qu'il ne tient pas compte de l'hétérogénéité du réel et qu'il explique l'infini par le prolongement (qui comprend l'englobement) :
- le changement religieux passe par la reconnaissance de l'hétérogénéité et du caractère de croissance indéfinie contenue dans l'enversion;
- l'explication de l'infini, non comme ce qui prolonge/englobe de manière homogène le fini, mais ce qui lui est complémentaire et qui se présente comme dense et malléable. 
Au lieu de chercher la représentation du divin dans ce qui précède le chaos et l'Etre, ainsi qu'y invitent les transcendantalistes, il convient plutôt de considérer que le divin est le produit de l'hétérogénéité du réel. C'est l'enversion qui crée les conditions du divin. Du coup, le divin n'est plus le Créateur pluriel ou un, mais le produit de l'union entre l'ordre et le malléable, l'être et le faire. Le divin n'est pas l'Un qui précède l'hétérogène, mais le produit nécessaire de cet hétérogène. Il est l'uni plus que l'unificateur. 
Précisons que l'état d'hétérogénéité n'a jamais existé dans le réel, mais constitue, à l'instar de l'état de nature, un état fictif destiné à comprendre ce qu'aurait été le réel avant le divin, soit à instaurer une séparation qui aurait été comprise dans le réel si le réel était assujetti au réel en tant qu'ordre. Mais le réel n'est pas l'ordre, en particulier n'est pas l'ordre en tant que temps et espace. Sa particularité est de proposer une unité a posteriori dans la perspective de l'entendement, qui serait compris dans l'ordre.
Mais si l'on restitue la particularité du réel, qui est de combiner l'ordre en complémentarité du dense, non à l'intérieur, mais comme ce qui permet de conférer au malléable sa pérennité, alors le réel a toujours existé comme le produit du malléable et de l'ordre, mais comme une unité dont la particularité est de ne pas se trouver compréhensible d'un point de vue circonscrit à l'entendement ordonné. L'unité est postérieure en ce qu'elle résulte du malléable et qu'elle intègre la production de l'ordre pour résoudre le malléable. Dans la texture du malléable, le divin surgit en même temps que l'ordre en tant que résolution de l'aspect contradictoire du malléable menant vers la destruction. Depuis la perspective de l'ordre, le divin surgit a postériori, comme l'unité de l'ordre avec le malléable.

jeudi 10 mai 2012

Il est capital de distinguer deux types de non-contradiction  : la première mène vers la croissance. Elle se montre anti-entropique. La seconde est au contraire entropique, c'est-à-dire qu'elle commet l'abus de rendre philosophique ce qui set une théorie physique (tout système fini mène au chaos). La non-contradiction chère à Aristote consiste à rendre possible la théorie à condition d'exclure l'infini, ce qui a pour tendance première de valider l'exigence de théorisation tout en omettant de préciser que la théorisation fini mène au néant et contient le néant. Du coup, la théorisation rappelle ce qu'elle est et ce à quoi elle tend : la pérennité du réel. La non-contradiction finie exprime la réduction idéelle du principe de non-contradiction tourné vers la croissance.