dimanche 24 février 2013

L'immortalité signifie-t-elle que le donné se trouve ajouté à sa dernière forme donnée, ce qui expliquerait la positivité bienheureuse dont elle est parée? La part physiquement et temporellement entendue comme l'après-mort (vie après la mort) ne désigne pas seulement ce malléable plus ou moins anonyme et neutre, mais l'identité même que révèle le malléable : sa mixité avec l'être rappelle que malléable et être ne coexistent pas de manière complémentaire l'un à côté de l'autre, mais sont étroitement imbriqués.
L'immortalité signifie que le donné n'est pas seulement être + malléable, mais constitue la somme des donnés passés, que la texture malléable du réel s'est chargée d'accroître, + leur propriété d'extensibilité. Quand le donné passé disparaît, quand le temps passe au point de s'apparenter à une disparition, que se passe-t-il, sinon que le réel se régénère derrière le déroulement temporel? 
Ce serait réhabiliter le non-être, donc l'incompréhension revendiquée du réel, que de valider l'option selon laquelle quelque chose peut disparaître. En lieu et place de ce non-être traduisant l'incompréhension, l'extensibilité permet de comprendre que l'immortalité est accordée à la succession des donnés passés en ce qu'ils portent en eux en plus de leur somme la propriété d'extensibilité qui les unifie et leur donne une permanence au-delà de l'instant.

samedi 23 février 2013

La violence touche en premier lieu sa victime, souvent quand cette dernière se comporte (ironiquement) en bourreau. Elle est l'élément circulaire qui caractérise le donné et qui fait que la croissance devient violence. Le mouvement circulaire promeut la contradiction. Il se retourne contre lui-même, dans un processus de reflet fini, qui instaure la fixité symétrique.
Pourtant, la violence contient en elle-même les ferments de la croissance. Non de sa croissance, mais de la croissance : elle porte en elle un dépassement qui la dépasse. C'est le signe qu'elle ne peut finir en anéantissement de soi, qu'elle repart si elle se trouve confrontée à l'anéantissement comme stade ultime de la contradiction - la contradiction ne peut aboutir à l'autodestruction qu'elle suggère
Toute crise implique le renouveau, non pas au même plan, tel le Phénix renaissant à l'identique de ses cendres, mais de manière croissante - croissance en disjonction de formes différentes et asymétriques. Cette faculté se comporte comme si la contradiction était constituée d'un noyau irréductible, monades selon l'hypothèse de Leibniz, avec cette précision qu'il s'agirait de monades constituées en reflet par enversion, pas en reflet monoplan. 
Il ne s'agirait pas d'éléments infimes et indivisibles, mais d'éléments qui créent l'enversion pour sortir de la violence qui les environne. L'enversion casse le moule fini, qui est le modèle de la violence. L'enversion est le moyen de sortir de la spirale de la violence, qui instigue les conditions pour sortir de son propre anéantissement. Quand on dit de quelqu'un qu'il sort de ses problèmes, on énonce une vérité profonde : sortir de. L'image est originelle.

mercredi 6 février 2013

L'enversion signifie la reconstitution du schéma originel, selon lequel la contradiction initiale donne lieu à l'enversion. La contradiction forme le cercle vicieux, qui n'est pas viable en ce qu'il crée en son intérieur des tensions et des conflits. La contradiction circulaire engendre le cadre de l'enversion, avec une forme intermédiaire : la forme réfléchie, fixe, où le reflet se situerait sur le même plan. Puis, le reflet monoplane (homogène) donne lieu au reflet par enversion, qui consiste à créer une structure en progrès par la création d'un dédoublement en croissance, permettant à partir d'un point original de progresser en enversion, sans que cette progression ne constitue autre chose que la capacité d'assurer la pérennité du cadre réel. Le contradictoire crée les conditions de sa résolution en enversion, tout comme le schéma inférieur de la nécessité accouche de la forme supérieure de liberté. Au final, s'il s'agit d'un schéma de décomposition explicative et pédagogique, la forme initiale implique une recomposition à partir du mode de pensée de l'être. 
Ce qu'il importe de comprendre, c'est comment cette structure en enversion, qui est faire, par complément de l'être, existerait à côté de l'être, de manière complémentaire et non antagoniste. Cette structure crée le malléable comme complément à l'être fini, non comme élément séparé et extérieur, mais comme élément imbriqué, interne, faculté de l'être à s'étendre, être donné et malléable, pas seulement donné. 
Quand on contemple le donné, ce dernier évoque un corps en croissance. Il contient en son intérieur les éléments de sa croissance. C'est l'archétype du schéma d'enversion, approximation qui traduit une limite dans l'expression, même s'il importe de comprendre que le donné est extensible et que le nihilisme commet l'erreur d'identifier le donné comme ce qu'il est dans l'instant de sa contemplation, sans s'aviser que le réel n'est pas réductible à l'être et qu'il contient aussi le malléable. Le faire exprime la créativité.
Peut-être que le meilleur moyen de retranscrire l'explication au (et non : du) réel consiste à recourir à une comparaison globale et unique, pas à une décomposition artificielle, qui ne peut concerner un état non existant. Alors l'explosion caractériserait au mieux le moment fantasmatique de l'origine, explosion qui engendrerait le processus d'extensibilité. 
Mais l'origine n'existe pas, parce que le réel extensible signifie le réel adaptable, alors que l'origine désignerait ce qui précède à l'adaptation et qui du coup expliquerait l'adaptabilité. Le réel présente la qualité de s'adapter pour assurer sa pérennité, qualité qui passe par la faculté d'accroissement continu et qui empêche la dissociation propre à la question de l'origine, question qui ressortit de l'histoire et se déploie dans l'être.
Toute forme qui fait sécession est à l'opposé de la qualité de malléabilité, qui implique que le tout soit, non un espace à remplir, ce qui rend fort énigmatique (insaisissable) l'infini, mais une faculté à s'adapter - physiquement à croître, ce qui indique que l'infini résulte de la question mal posée, du problème insoluble, et qu'il faudrait substituer à l'infini, terme de surcroît négatif, l'extensible.
Quand on voit un enfant croître, on constate que le principe du malléable est présent dans le donné et qu'il pousse l'homme à se développer physiquement et intellectuellement. En même temps, l'arrêt de la croissance rappelle que le donné finit par primer sur le malléable. C'est la raison du constat nihiliste, qui considère que le donné prime sur le principe que Platon nommait dynamique
Dans le système en prolongement et en homogénéité de Platon, l'ontologie, la dynamique devrait mettre sous l'éteignoir le donné. Si c'est l'inverse qui subsiste, si le nihilisme se mâtine d'ontologie faute de pouvoir subsister seul, par manque de cohérence, c'est parce que le réel ne se façonne pas, ne se constitue pas de manière homogène et linéaire, comme le voudrait l'ontologie; mais que la dynamique fonctionne selon l'enversion, par disjonction et par palier/plateforme. 
Le réel se constitue sur le mode du donné, mais ce donné est malléable : il évolue pour croître et il contient en son sein, non dans son extérieur, le principe de son développement. De ce fait, la croissance interne est limitée aux bornes du donné, tandis que le donné croît par palier, empêchant la croissance externe d'exister indépendamment de son principe interne. Il n'existe pas d'externalité dans un principe qui croît par malléabilité. 
La notion d'extérieur n'est valable que par rapport à la linéarité plus encore que la fixité. La linéarité n'est que le correctif qui reprend la même erreur que la fixité : si le réel n'est pas davantage définissable que le non-être, c'est que tous deux postulent que le réel est homogène et irrationnel. Le réel est incomplet, insuffisant. Il est mû par le dualisme Etre/être ou être/non-être (dont la dyade étants/non-étant constituerait la variante avoisinante). 
Le réel est contradictoire en tant que donné et cette contradiction finit par réapparaître derrière son vernis de stabilité partielle et parcellaire, se présentant comme définitive et totale, à l'image de ce que propose Héraclite. Dans la contradiction comme dans les autres propositions de réconciliation identiques (premier sens de l'identité), le réel se tient sur le même plan. Il est autant identique que borné, ainsi que le suggère Mach avec sa définition saisissante de saturation polysémique : "Être unilatéral dont le complément en miroir n'existe pas".

mardi 5 février 2013

Le problème philosophique par excellence : qu'est-ce que le nihilisme? Pour reprendre l'interrogation leibnizienne, on pourrait poser la question ainsi : qu'est-ce que le rien? L'avantage nihiliste est qu'il isole, au sens physique, le réel, sous forme de domaine, concret, dont l'expression temporalisée est l'instant. Gorgias est un sophiste, au sens où il reconnaît le précipité! 
Le non-étant est une explication de théorie générale contradictoire, une anti-théorie, au sens où elle dresse un tableau général du particulier, qui prétend que l'être n'existe pas (a fortiori l'Etre), que l'étant seul existe. Gorgias rend compatibles étant et non-étant par le lien de leur singularité. Si le singulier peut coexister avec le non-être, le seul moyen d'expliquer le réel de la sorte implique que l'on dresse l'éloge de l'incohérence. 
Rosset est le disciple, immanentiste (spinozo-nietzschéen), de Gorgias, au sens où il se réclame du réel arbitraire : le plus sensible et trivial. Il ne théorise pas sur le néant, au sens où il n'y a rien à en dire - il a retenu la leçon des métaphysiciens, dont Bergson, dont il se réclame près de lui, ou Descartes, à l'émergence de la philosophie moderne. 
Gorgias a été oublié, parce qu'il ruine la théorie plus qu'il ne l'achève, et que son geste destructeur avoue sa profonde inanité dans la ruine de l'enseignement : comment un philosophe peut-il se faire payer pour penser que la pensée n'est rien? Les immanentistes de phase terminale, tel Rosset, sont voués à l'oubli, à l'image de Gorgias : impossible d'échapper à la néantisation de leur pensée, car ils refusent que le réel puisse perdurer. 
Au moins les cousins métaphysiciens entendent-ils que l'être fini est théorisable - raison de leur postérité ambiguë; tandis que nos immanentistes terminaux, poursuivant le processus d'autodestruction du réel "peau de chagrin", en viennent à refuser la possibilité que demeure ce que le vent emporte. Il se pourrait que le crime abominable de Cantat, qui revendique cette formule morose et postromantique, résulte d'un meurtre immanentiste, incompris de son auteur, ainsi qu'il arrive pour tout faux créateur pris dans les rets du mimétisme anti-créatif et sous-artistique : avoir décrété que toute chose était vouée à l'évanouissement rapide et définitif.
C'est ce qui déprime Rosset : citant Zola, il déplore que "quand la terre claquera dans l'espace comme une noix sèche, nos oeuvres n'ajouteront pas un atome à sa poussière" (in L'Oeuvre). Ce qui déprime le nihiliste, c'est qu'il pense que tout ce qui est ne vaut que dans l'instant et se trouve supplanté par ce qui n'est pas. La durée n'existe pas vraiment pour Gorgias, qui substitue à l'infinitif duratif être le participe présent de valeur provisoire étant. La suprématie de ce qui n'est pas induit la disparition de ce qui est, même si elle ne l'explique pas.
Le nihilisme est faux, en ce qu'il mène à la nostalgie et au pessimisme de l'absurde, même si Nietzsche essayera vaille que vaille de le remplacer par l'héroïsme surhumain - ou que Spinoza l'ancêtre-fondateur fera de la joie le sentiment par excellence exprimant la connaissance adéquate du réel, ce troisième genre que Spinoza assimile à l'intuition, avec une approche irrationaliste, puisque l'intuitif coïncide avec celui qui accroît sa liberté par sa puissance le privilège de l'arbitraire : l'intuitif est l'élu capable de posséder cette vision intuitive (dans un sens différent de Plotin), aussi rare que l'artiste créateur de Nietzsche capable de surhumain.
Le nihilisme escompte résoudre la contradiction à l'image de ce qu'en propose Héraclite d'Ephèse : le réel tient parce que les contraires se tiennent dans leur opposition. Cette explication pourrait proposer un certain équilibre, si elle ne posait pas plus encore de questions : car que sont ces contraires qui surgissent pour former le réel?
Le nihilisme est  ce qui refuse l'explication, cette anti-théorie qui se permet d'asséner la contradiction, parce qu'elle estime que la contradiction peut être fondamentale. La théorie d'Aristote du principe de non-contradiction s'explique en ce que l'opposition des contraires crée cette non-contradiction, dont on notera qu'elle n'est théorique que dans la limite où elle est négative.
Le négatif est le refus de l'explication.
Au départ, le divin serait le point qui se transforme - en direction.
La fin = le commencement signifie, non pas qu'il existe une réalité supérieure à l'être fini, l'Etre de l'ontologie par exemple, mais que le réel consiste en l'enversion, soit un schéma anti-immanentiste qui se tiendrait sur le même plan et qui recourt à des équivalences données. C'est le problème que rencontre le discours transcendantaliste, dont l'ontologie n'est qu'une expression intervenant dans l'avènement de la philosophie et constituant la tentative de se poser en discours rationaliste religieux de type rationaliste. Platon exprime cette tentative, que Nietzsche railla depuis son point de vue d'immanentiste tardif et dégénéré.
Nietzsche avait compris que la religiosité ontologique constituait l'antagonisme du discours religieux, discours rationaliste et humain dans la mesure où il essaye de s'opposer à la religiosité transcendantaliste, avec une antienne : seul le monde de l'homme importe dans le réel. Nieztsche martèle : le discours religieux transcendantaliste selon lequel Dieu existe au-delà de l'homme est faux. C'est une espérance, une superstition, créneau que lancera Spinoza et que les spinozistes depuis s'ingénient à répéter.
La philosophie est religieuse pour le nihiliste dans le sens antagoniste à la philosophie religieuse telle que l'espère l'ontologue. Mais les deux ont pour point commun de ne parvenir à définir le réel. Le nihilisme est le premier mouvement, l'impulsion spontanée de l'homme, qui, confronté à la pensée, fuit l'essentiel pour se concentrer sur l'immédiat : ne pas connaître pour mieux savoir. Le nihilisme propose l'antagonisme être/non-être, avec l'anti-définition paresseuse que constitue le non-être. Le transcendantalisme propose une définition en homogénéité, l'Etre, qui englobe l'être et déduit l'englobement du prolongement.
Les deux définitions opposées (donc identiques) ont pour défaut commun de rater le réel : l'observateur du réel ne voit jamais que du donné, de l'homogène et du fini. C'est, tout simplement, parce qu'il n'existe que du donné, de l'homogène et du fini. Comment accepter l'hypothèse de l'Etre, alors qu'il n'est jamais visible et qu'aucune expérience ne témoigne de cette existence? Comment accepter le non-être, alors que cette sous-définition, de type négatif, se contente de ne pas s'occuper de ce qu'on ne comprend pas - en décrétant que ce qui ne se comprend pas immédiatement ne peut se comprendre.
Périodiquement, face à l'avancée de la connaissance, qui contredit sa négativité générale, le nihilisme est contraint de s'ajuster pour ne pas proposer des savoirs obsolètes et ridiculisées. C'est ainsi que face à l'avancée de la science expérimentale, l'aggiornamento de la métaphysique originelle, de mouture aristotélicienne, était nécessaire : ce fut en métaphysique le rôle du cartésianisme, et en science les théories épistémologiques autour de Newton. Aujourd'hui que la métaphysique est morte, le nihilisme pour survivre devra aller au-delà de la logique néo-positiviste de type analytique. Elle ne dispose plus de théorie concurrente face à l'effondrement du transcendantalisme. 
Quant au fait que l'observateur ne peut jamais se représenter de différence qualitative entre le réel immédiat et ce qui le complète, c'est tout simplement parce que ce type de représentation est illusoire. Il n'existe pas d'autre réel que le réel tel qu'il apparaît. Cette affirmation triviale ne recoupe-t-elle pas ou ne retrouve-t-elle pas la doctrine nihiliste, qui est anti-théorique et obscurantiste dans le sens complémentaire du pédantisme? D'une part, le nihilisme ne professe pas que le réel tel qu'il est existe, mais que le réel tel qu'il est coexiste avec le non-être. Ensuite,  le réel tel qu'il est signifie l'application de la doctrine cartésienne, selon laquelle le métaphysicien doit pactiser avec l'explication divine, donc transcendantaliste, à partir du moment où il lui confère des accents irrationalistes.
Reste une hypothèse : le néanthéisme n'a pas besoin d'expliquer l'espace vacant à côté et au-delà de l'être fini. Il introduit une hypothèse qui est contraire au nihilisme et qui le classe dans la continuité du transcendantalisme : l'extensibilité, la malléabilité. Alors que l'Etre est inexplicable, quasi miraculeux, alors que le nihilisme ne peut expliquer davantage le non-être, intégralement négatif, le néanthéisme propose la propriété de l'extensibilité qui explique à la foi que l'être soit fini et que sa finitude croisse et se montre changeante.

dimanche 3 février 2013

L'appellation de "différences sexuées" signifie que l'on interroge depuis son extérieur le domaine du sexe; quand le sexuel sans interrogation et homogène tourne en rond en interrogeant son objet de l'intérieur. La question sexuelle indique que le réel se constitue depuis une origine extériuere et qui n'est pas homogène. Elle signalerait presque, de manière biaisée et indirecte, l'enversion. 
Le sexe exprime un phénomène plus large que lui et qui caractérise la formation du réel tel que Platon le nomme le sensible ou que Heidegger définit comme le domaine des étants : le morcèlement. Le morcèlement recouvre un terme peu questionné, alors que rien n'est plus mystérieux que la singularité, notamment des corps, à laquelle s'arrêtent trop facilement, pour arrêter le questionnement, les partisans du multiple. 
La constitution du corps, en tant qu'expression de la singularité, ne s'explique pas dans un domaine seulement homogène, surtout s'il est tenu pour l'unique. De même, l'antagonisme propre au nihilisme n'explique le morcèlement qu'en rendant inexpliqué et inexplicable le non-être censé pourtant en être l'explication.
Mais selon les termes de l'enversion, la constitution des corps représente le moyen de résoudre l'état de contradiction, sachant ce dernier irréductible (en tant que reconstitution postérieure). Résoudre consiste moins à remplacer qu'à croître, en conservant le fondement inférieur pour poursuivre par l'entreprise de croissance. La résolution par la multiplicité indique que la croissance s'effectue dans la multiplicité et que son unité se subsume à partir de sa multiplicité première - en ajoutant le caractère de malléabilité et d'extensibilité, non au-delà ou derrière, ce qui rétablirait l'illusion de l'homogénéité, mais avec l'idée que rien n'existe de supérieur aux corps en tant que prolongement ou linéarité. 
Le possible malléable et extensible n'existe pas dans une incarnation spécifique et supérieur; le lien, définition du divin, s'établit depuis l'inférieur, et sans jamais connoter de réalité ou de proposition supérieure. Son propre est l'extensibilité, pas le donné supérieur, préexistant à l'effort de définition.
Supérieur à la raison, le divin signifie l'extensible.
Alors que les prophètes permettaient de se référer à une extériorité signe de croissance, l'artiste moderne a surgi à l'intérieur du christianisme - à partir de l'innovation monothéiste en général. Peu à peu, il en a pris le relais. Il est devenu la figure antagoniste, au sens où le prophète était le médium du divin, quand l'artiste exprime peu à peu son remplacement immanent. A partir de la modernité, il est devenu l'inverse de ce qu'il prétendait servir : selon l'idéal de la Renaissance, l'application humaine du progrès voulu par Dieu est transmissible dans l'expression artistique. 
Cette dégénérescence de l'artiste vers l'immanence fait de lui la trahison de ce qu'il revendiquait. De relais des prophètes, il devient médium de l'immanence. Bientôt, il incarne le symbole de l'immanentisme qui s'effondre. Trahissant l'art originel, dans sa mission au service du religieux, il se met au service de ce que l'homme possède de plus oligarchique, élitiste, prétentieux. En s'affranchissant des lois, il se croit arbitre des normes : c'est l'artiste d'aujourd'hui, l'artiste hégélien de l'art contemporain et rationnel, l'artiste issu des codes de l'art bourgeois, rebelle et transgressif au sens où il se comporte en figure tutélaire de notre monde libéral. Ce que son positionnement rebelle trahit, c'est qu'il est le héraut au service du libéralisme, celui qui a trahi la mission originelle de l'art moderne. 
L'artiste d'aujourd'hui est d'autant plus célébré qu'il a abandonné la quête de la durée, qui s'expliquait par le but de servir Dieu via les prophètes. Il est un dandy, singulier, qui s'ébat dans l'éphémère et qui se satisfait d'avoir servi, par le truchement de la figure sociale de l'éditeur, le libéralisme, au point d'en avoir été l'apologète avant-gardiste, à défaut de le faire innover. Aujourd'hui, l'artiste au sens de la Renaissance ne peut pas s'intégrer dans le système corrompu de la République des lettres de mouture médiatique, dont la principale caractéristique est de s'entêter à poursuivre le système caduc, déjà obsolète, Gutenberg. L'édition Gutenberg était promise au dépassement dès son départ, en ce qu'elle se trouve sous la coupe du format du monothéisme, mais, depuis qu'elle a entamé sa décrépitude, elle épouse l'influence du libéralisme. 
L'auteur devient un homme-sandwich d'autant plus reconnu qu'il est l'un parmi tant d'autres et que la multiplicité lui garantit la valeur éphémère, proche de l'anéantissement. L'artiste de la modernité a sombré dans la propagande bourgeoise et libérale. Pour relancer la dynamique religieuse, il faut se rappeler que l'artiste n'est jamais que le relais du prophète et de l'homme religieux. Quand il s'en émancipe, il n'en constitue pas l'alternative, mais la dégénérescence, l'incarnation nihiliste, de facture immanentiste (l'immanentisme constitue le mouvement le plus original du nihilisme moderne).
Il convient d'échapper au piège selon lequel il faudrait, pour s'éloigner de cet artiste héraut de l'immanentisme, opérer la relance de l'artiste comme fin. Le projet aboutirait à promouvoir l'alternative au religieux (le projet de l'artiste-fin ramène à l'artiste immanentiste, ce qui indique l'identité profonde des contraires placés sur la même ligne). Le projet de l'artiste ne peut qu'aboutir à du nihilisme si l'artistique est la fin. 
L'expression artistique pour être de qualité doit être inféodée au religieux. On institue un cercle vicieux si l'on escompte sauver le format de l'art-fin. Ce qui permettra de relancer tant l'art que l'homme, c'est l'instauration de nouvelles normes religieuses, pas  artistiques. Ces nouvelles normes religieuses pourront instituer de nouvelles lignes internes de type artistique.
La condamnation platonicienne de l'art ne ressortit pas seulement de la censure bornée et de l'intégrisme ontologique. Elle perçoit dans l'art la limitation dégénérative de l'expression religieuse (Platon pensait que l'ontologie en constituait l'acmé définitive). L'art compris dans la forme innovante du néanthéisme perd sa dimension finaliste. L'expression philosophique gagne en importance, du fait que la mission de la philosophie n'est pas de se tenir au service du religieux, mais de constituer l'expression du religieux. 
Le projet nihiliste de faire de l'expression philosophique le discours nihiliste par opposition au discours transcendantaliste implique que le nihilisme soit une religiosité paradoxale, qui réfute le religieux tout en cherchant à conférer à son discours rationaliste et anti-prophétique une dimension générale. La différence est que le religieux classique est un discours d'ensemble qui inclut l'infini (d'où le prophétisme comme moyen supérieur d'expliquer l'infini); tandis que le nihilisme explique l'ensemble du réel, entendu dans l'acception de fini (et encore, une fois la métaphysique.