mercredi 29 décembre 2010

Une correction dans ce qui a été écrit : le néant ne désigne pas l'infini en tant que tel, mais ce que l'on nomme néant ressortit d'une notion finie. Il y aurait un néant pur, qui serait fini - et le reflet, qui serait infini. Du fait de la création du reflet par le faire-néant, le néant s'éparpille et participe à la création de l'être telle qu'elle est répercutée dans le monothéisme. On tient une explication plausible à la cosmogonie néo-platonicienne, selon laquelle il existe deux néants : l'Un, qui est au-dessus de l'Etre; et l'un, qui désigne la matière inférieure à l'Etre. La présence du néant à tous les stades de la création vient du fait que le néant pur est utilisé en tant qu'élément de création concomitant à l'être. Raison pour laquelle on trouve autant de signes d'incompréhensions, de failles, de béances, de non-sens dans l'être. La mort, le temps (le devenir, le changement), l'être-au-monde, tous ces mystères du point de vue (univoque) de l'être sont explicables parce que l'être n'est pas univoque, mais qu'il est crée à partir du néant pur et qu'il est constitué à tous les niveaux de sa création par l'association avec le non-être. L'explication profonde de Platon, selon laquelle le non-être désignerait l'autre, se trouve contredite en ce que l'Etre n'englobe pas le néant, mais que le rapport entre être et néant est formé par un rapport d'enversion, avec la création entre ces deux éléments finis d'un rapport de reflet de nature infinie.

samedi 18 décembre 2010

Il y aura toujours un courant plus ou moins nihiliste pour affirmer que le réel désigne ce qui est l'immédiat, l'ici et le maintenant, le plus proche et le plus appréhendable.
Qu'est-ce qui est impossible? Ce qui échappe au reflet. Le possible est ce qui découle du reflet. L'homme participe du reflet en ce qu'il appartient à cette catégorie d'êtres qui se peuvent entre les finis et l'infini - qui ont conscience de l'infini.
Au fond, quel est tout le discours du nihilisme? Si l'être existe en regard antagoniste du néant, alors il convient toutes affaires cessantes d'en revenir à la considération nécessaire et exclusive de l'être. Donc : le réalisme prêté aux nihilistes provient de cette urgence ontologique. Il a tout pour être déstabilisant, car l'observateur perspicace se rend compte que l'exigence nihiliste n'est pas réaliste, mais qu'elle conduit au contraire à la destruction des valeurs humaines. Paradoxalement, le nihilisme conduit à la destruction du réel humain sous prétexte d'en revenir aux questions les plus concrètes et les plus immédiates (brûlantes). L'erreur du nihilisme est de croire en la certitude.. Comme il n'existe pas de certitude, le nihilisme se trouve rapidement coincé entre deux paradoxes :
1) le seul réel certain est l'immédiat;
2) l'immédiat est si réducteur du réel qu'il génère plus d'incertitude encore que l'incertitude positive prêtée au transcendantalisme.
Le discours réaliste du nihilisme n'est pas réaliste. C'est un discours mensonger qui n'a qu'un mérité - insigne : découvrir et rappeler que le réel n'est pas univoque.
Quand on veut appréhender le débat autour des multivers, soit de l'infinité d'univers différents, il faut se demander si l'on parle de plusieurs univers regroupés dans l'unité d'un seul réel - ou de plusieurs réels qui constituent plusieurs univers indépendants les uns des autres. Le scientifique Vernadski distingue au sein du sensible trois sphères qui s'englobent, à ceci près que la dernière des trois sphères englobe les deux autres : la noosphère englobe la lithosphère qui englobe la stratosphère.
Voilà l'erreur : ce qu'on prend pour des ensembles complets signale la structure du réel, qui fonctionne par entrecroisement et englobement d'univers interdépendants et finis, et non par unité stable et homogénéité. Dans l'univers de l'homme, Vernadski distingue trois sphères, et l'on peut parier que d'autres scientifiques en découvriraient d'autres. Mais ce sont seulement des éléments physiques qui se trouvent distingués. La notion d'infini implique que l'homme a accès à une infinité d'état physiques discontinus et que le propre de la texture du réel est d'être composée par une infinité d'éléments finis et différents qui s'entrecroisent.
C'est cette hétérogénéité qui explique l'erreur réductrice des scientistes d'aujourd'hui, qui trop souvent s'abritent derrière le masque de la science. Ils prennent l'être immédiat (le sensible ou le physique) pour le réel, et, par dérivation, les indéfinis ensembles enchevêtrés pour des réels indépendants et complets. Ils ignorent ce qu'est la complétude, comme ce qu'est l'indépendance. Leurs multivers constatent qu'il existe une indéfinité de parties, à ceci près que l'erreur est de prendre les parties pour des touts en les isolant et en dénaturant leur lien.
L'erreur est de croire que la complétude existe, soit que l'infini existe en tant qu'état ou lieu. Du coup, on prend la partie pour le tout, car le lieu est toujours partie. Et le tout n'existe pas. Sauf quand on se trompe sur sa nature de fini et qu'o lui confère l'indépendance (de ce point de vue, Aristote est honnête quand il attribue au réel les caractères du fini). Le tout n'existe pas parce que le propre de la structure du fini est de créer le réel en tant que reflet d'enversion entre le néant et l'être. L'être provient de l'incomplétude explosive et intenable du faire (néant). Ce que d'aucuns prennent pour des multivers n'est jamais que l'enchevêtrement du réel tel qu'il apparaît à l'homme dans l'ordre physique.

vendredi 17 décembre 2010

Dieu est reflet.
Derrière cette définition simple, ce qu'on nomme réel n'est enversion que parce que le mécanisme de création se trouve dans le reflet. C'est par ce reflet que l'univers existe. La seule définition de l'infini tient au reflet. Cela implique qu'il n'existe pas un lieu stable, fixe et fini, mais que tout ce qui est fini résulte de la scission (séparation) du reflet, que le réel soit à l'image du reflet, un mouvement indéfini et incessant entre des lieus qui n'ont pas d'indépendance autonome.
Quand on prend un lieu stable, fixe pour autonome, on opère une réduction, à l'instar du nihilisme qui estime que le fini est le réel. L'infini désigne le mouvement constant entre les finis, qui est la définition de l'infini et qui implique que le néant soit le complément de l'être. Mais aussi : que l'on comprenne bien que la véritable définition de l'infini réside dans le reflet, pas dans le néant, qui est fini et qui est contraint de susciter l'être en reflet pour atteindre à la viabilité.
L'infini exprime la viabilité du réel. Quant à l'être, il est le complément fini du néant (fini). L'infini est obtenu seulement par le mécanisme du reflet. Si l'on suit ce processus, fini + fini = infini, au sens où l'infini ne désigne pas un état, mais un lien. On ne peut localiser l'infini, non parce que la raison humaine n'est pas capable d'appréhender ce lieu, mais parce que tout lieu est incompatible avec l'infini.
Le lieu est l'être, le lien ne peut être effectué entre deux ou plusieurs lieux que par le néant. Si l'on peut distinguer deux lieux dans l'être et le néant, tant l'être que le néant sont indissociables l'un de l'autre, au sens où c'est le reflet d'envers entre les deux états qui forment les infinies structures du réel. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il existe un lieu néant dans ce réel, qui désigne la possibilité d'un néant pur et d'un lieu qui soit supplément en sus du néant compris dans le reflet.

dimanche 21 novembre 2010

Le temps exprime le passage de la contradiction à la non contradiction. La question : qu'est-ce que le temps? renvoie au faire, qui set l'absence d'ordre et le bouillonnement à l'état brut. Du coup, le faire est contraint de créer son complément en reflet, l'être. Le temps est l'ordonnation du monde, soit le fait de donner à l'être un ordre et un principe de non contradiction. Sans le temps, le verrou sauterait et la contradiction reprendrait le dessus.
Le temps n'existe pas sans la mort et la notion de vieillissement. Pourquoi le devenir, soit l'idée que le changement est constant dans l'être? Le changement renvoie à l'action du néant sur l'être. La création par reflet de l'être est certes nécessaire dans l'ordre de l'incomplétude mutuelle entre le néant et l'être, mais l'être est sans cesse accompagné de néant. L'être est incomplet. Le néant non seulement renvoie à l'état d'infini et de néant qui existe en sus, mais à cet état de néant qui accompagne l'être, comme si l'être et le néant se trouvaient sans cesse interconnectés.
L'articulation et la suivante : pas d'être sans néant, mais cette adjonction de néant est relative à l'existence supplémentaire d'un néant en reflet, d'un néant pur qui relève de l'existence, qui est un faire, et pas un néant nihiliste. Le temps signale le besoin d'ordonner le faire dans l'ordre de l'être, mais cet ordonnancement (agencement) produit une incomplétude qui implique à la fois que le néant soit associé à l'être et que le reflet engendre en sus l'existence du néant néanthéiste en complément de l'être. Il subsiste un résidu de faire dans l'être en plus du faire pur.
L'explication porte sur la question essentielle de l'unité. Pas de nihilisme sans représentation duelle et antagoniste du réel. L'unité est antinihiliste au sens où l'unicité et l'unité du réel ne sont pas compatibles avec le nihilisme. Si l'univers est un, il ne peut mener vers la destruction (l'autodestruction), mais vers la construction de cette unité inaliénable. Cette unité n'est réalisable que si le néant se trouve présent au coeur de l'être en sus de son existence propre. C'est-à-dire que pour que l'unité soit réalisée, il convient que le complément néant soit uni avec l'être. Dans le schéma nihiliste, l'antagonisme rend impossible l'unité.

jeudi 18 novembre 2010

Les nihilistes sont les gens qui sentent que le réel n'est pas constitué par un modèle univoque, mais équivoque. Du coup, ils poussent leur modèle au maximum, à l'excès, pour ne retenir que le réel univoque. Ils fondent leur réel antagoniste - et ne se focalisent plus que sur l'élément connu du réel : le fini. L'autre élément, le complément quel que soit le nom qu'on lui donne, leur est étranger. Selon eux, ce complément n'est rien. Autant dire que c'est le chaos, qui imprègne de sa texture prégnante notre monde, mais qui ne lui est pas relié. Les nihilistes fondent le modèle antagoniste avec cette idée que le réel est duel, qu'il n'est pas Un.
D'où le caractère savoureux de la critique de Nietzsche contre le platonisme et le christianisme, lorsque notre philologue malade leur reproche d'utiliser le dualisme. Belle projection de diablotin candide et pathétique, mais c'est lui, le prophète de l'immanentisme tardif et dégénéré, qui commet ce travers, avec cette idée que le vrai dualiste récuse l'unité du réel (et son unicité), alors que le monothéiste appartient à la tradition des transcendantalistes, selon laquelle l'unité est primordiale. Dans cette tradition, quelles que soient les différences, il faut que le réel soit relié à une unité fondamentale.
D'où le mécanisme du transcendantalisme, qui est opposé au nihilisme : alors que le nihilisme est antagoniste, le transcendantalisme est dans le prolongement/englobement. Du coup, l'erreur du transcendantalisme est d'estimer que l'Etre est le prolongement de l'être, alors que ces mêmes transcendantalistes ont senti, position plus importante que leur erreur, que la réalité ne s'arrêtait pas à l'être (sensible). Leur attitude face au réel est supérieure à l'inclination nihiliste, mais leur schéma s'arrête aux bornes de l'Etre : soit l'idée selon laquelle la Terre est leur petit monde local et que l'univers ressemble à la Terre fondamentalement (thèse de Rosset, qui ne fait que reprendre Aristote et Spinoza, selon qui la connaissance humaine est capable de comprendre le réel à condition qu'il soit fixe et fini).
Fin de partie : les nihilistes sont ces savants qui en bons sophistes ont préféré tirer le rideau dès le départ et avancer que le réel correspond à l'immédiat. Connaissance quelque peu extensible au fil des millénaires, mais connaissance figée dès le départ - à un moment ou un autre. Connaissance qui s'arrête à la connaissance du moment. Ce qui n'est pas connu correspond à ce qui est connu en tant qu'il est fini et fixe. Le reste n'est rien. Les transcendantalistes ont fondé un schéma qu'ils estimaient de bonne foi valide pour l'ensemble du réel, y compris le non connu. Ce qui n'est pas connu correspond à ce qui est connu en tant qu'il n'est pas (de) rien. Le pari des transcendantalistes triomphe du nihilisme atavique (dans l'Antiquité, le monothéisme triomphe des sophistes et surtout d'Aristote le prudent), mais échoue après les bornes terrestres. Car l'espace n'est pas formé sur un modèle de possible extension du modèle d'être (sensible).
Raison fondamentale pour laquelle des débats aussi âpres ont lieu à l'heure actuelle ente ceux qui désirent se rendre dans l'espace et ceux qui prétendent que c'est lubie impossible. Ce sont les mêmes positions (autour du nihilisme) qui ont toujours empêché le progrès, alors que le progrès est obligatoire à la survie humaine. L'homme est la créature de l'infini qui dépérit dans le fini. Avis aux thuriféraires actuels de l'idéologie impérialiste de la décroissance, qui postule que le réel est fini. Merci, Messieurs les croque-morts, de vous préoccuper de vos enterrements, au point que vous vous arrangiez pour en faire les ultimes de l'espèce humaine.
Cet argument ontologique (contre l'idéologie décroissante et les théories affiliées) échappe trop souvent à ceux qui défendent le progrès dans l'espace (plus généralement le progrès), car ils fondent leur position sur l'expérience, plus que sur des principes. Mais la raison principale du blocage tient à l'impossibilité conjointe du transcendantalisme et du nihilisme (sous la forme immanentiste moderne) de déchiffrer le réel spatial (non terrestre). Là où le transcendantalisme considère que ce qui n'est pas de l'Etre n'est pas du réel, le nihiliste considère que ce qui n'est pas fini est du néant, soit une forme étrangère, agressive et incompréhensible (antagoniste).
Le transcendantaliste conservateur et orthodoxe (figé dans un monothéisme littéraliste) n'a accès à l'Etre que par prolongement et tiendra la conquête spatiale pour une perte de temps; le nihiliste s'en moque éperdument, estimant que seules comptent les productions de son désir. Les deux positions au fond n'ont pas accès à l'espace - et il faut bien du courage pour se situer dans la position transcendantaliste et opter pour la conquête spatiale. Quant à la position nihiliste, elle ne peut mener vers l'espace, puisqu'elle se révèle en faveur de la fixité de la connaissance et du monde de l'homme.
Il est obligatoire et terrifiant de devoir fonder une continuation au transcendantalisme lui-même, entreprise qui excède de loin le changement du monothéisme, qui est de dimension interne. Ce n'est pas le polythéisme qui s'est effondré et qui fut remplacé au sein du transcendantalisme par le monothéisme. C'est le transcendantalisme qui est à changer dans son ensemble. Le remplacer implique de relier l'unité rendue supérieure par les transcendantalistes avec le point initial entrevu par les nihilistes, l'équivocité du réel, mais aboutissant à leur égarement dans le désespoir.
Les nihilistes ont compris que le réel n'était pas formé de manière univoque par le prolongement/englobement; et qu'il était formé à partir d'une relation de différence entre le fini et l'infini (alors que le transcendantalisme postule que l'infini est le prolongement du fini). Les nihilistes ont accompagné leur remarque initiale (pertinente) par l'erreur du fait du désarroi intellectuel dans lequel ils se trouvent : face à l'inconnu du réel, ils se proposent de choisir le fini comme exclusif outil de certitude.
Cette méthode engendre immanquablement l'erreur car elle produit une incertitude plus grande que celle qu'elle prétend éliminer - au nom de la peur de l'incertitude. Réponse du transcendantalisme : face à l'incertitude qui fait peur, l'incertitude du réel, mieux vaut miser sur l'incertitude positive que sur la certitude négative. La certitude engendre l'erreur définitive; quand l'incertitude permet au moins une progression positive (même limitée et relative). Le nihilisme est négatif; le transcendantalisme est positif. Mais cette positivité a ses limites.
Ses limites ne consistent pas à valider une partie du nihilisme, car le nihilisme propose l'antagonisme comme modèle et débouche sur l'idée que l'infini est inconnaissable. Le modèle de néant infini que soutient le nihilisme n'est pas viable et donc - pas acceptable. Par contre, le transcendantalisme qui est arrivé à ses limites (transposables en territoire géographique) va être contraint de muter pour poursuivre sa route. Soit il intègre la leçon du nihilisme; soit il disparaît. Le nihilisme n'est pas l'ennemi du transcendantalisme, il en est la face sombre et erronée. L'obscur peut apporter à la lumière en ce que l'obscur contient sa part de vérité. La vérité du nihilisme c'est que le réel n'est pas formé sur un mode univoque, par prolongement.
Le restant, les affirmations que propose le nihilisme, sont toutes fausse et dangereuses. Rappelons que le nihilisme mène au néant. Mais l'idée selon laquelle le réel n'est pas constitué d'un matériau univoque est la clé pour poursuivre l'oeuvre transcendantaliste. Ironie de la dialectique atavique, le nihilisme a pressenti la vérité profonde qui permettrait au transcendantalisme de suivre sa route. Le nihilisme s'est montré sur ce coup plus perspicace et visionnaire que le transcendantalisme. La réponse transcendantaliste a été plus pertinente et viable dans une portion de réel circonscrite à la Terre.
Au-delà, il faut pour poursuivre la route du sens reprendre l'intuition nihiliste en la corrigeant de son grave vice destructeur : non, le schéma fondateur du réel n'est pas l'antagonisme. Non, le réel n'est pas duel (affirmation que les monothéistes qualifieront de diabolique). Car l'erreur principale des nihilistes avaient déjà été entrevue par Platon, avec l'inféodation du néant à l'Etre (sous la figure principale de l'autre).
Cette fois, il ne s'agit pas d'inféoder le néant à un principe supérieur (infini), mais de donner à l'infini la définition du néant. Avec une précision d'importance : ce néant-là n'est pas le néant nihiliste. S'il crée la caractéristique de l'enversion, comme correction majeure de l'antagonisme, l'enversion ne suit pas le schéma antagoniste. Ce néant indique simplement que le réel est un, mais que cette unité est fondée sur le rapport d'enversion, ce qui implique la négation du prolongement transcendantaliste et l'idée selon laquelle l'englobement est une notion caduque : car l'englobement est contradictoire avec l'enversion, qui implique au contraire le reflet pour modèle ontologique.
Rien à voir entre le néant néanthéiste et le néant nihiliste. Le néant nihiliste n'est pas et n'est pas - pensable. Alors que le néant néanthéiste est, mais d'une manière d'enversion qui indique que la complétude du fini se fait par le complément équivoque d'une autre texture au réel que l'être. On peut être réel sans être de l'être. Et : l'on peut ne pas être tout en étant dicible par le langage. De ce point de vue, le Logos monothéiste est transposable en termes néanthéistes : c'est l'idée selon laquelle le néant est dicible par le langage de l'être parce qu'il y a unité entre les termes du réel.

vendredi 29 octobre 2010

Le temps est simplement la transposition dans l'être du faire éternel, ce qui indique ce qu'est l'éternité : l'absence de temps, ou plutôt la présence du temps à l'état (préordonnée) d'explosion. La finitude est l'ordonnation. L'ordonnation implique la finitude. Elle s'exprime par le temps qui ordonne la courbe du réel. L'infini ne connaît pas le temps, car l'éternité de l'infini s'exprime dans l'incomplétude du faire et dans le reflet indéfini entre le faire et l'être. Le temps est la projection dans l'être de ce qui est explosif dans le faire : l'ordre restitue à l'état ordonné ce qui est destructeur. Le temps jour le rôle de ce qui empêche la destruction et l'explosion par le fait de séparer les éléments, de les ajouter l'un à la suite de l'autre, de les morceler, d'organiser leur défilé.
En fait, le néant n'est pas le règne du désordre, mais de la contradiction. Il y règne l'incomplétude, l'infini et le sentiment de l'impossibilité de persévérer dans cet état qui n'est pas de d'ordre au sens où il provoque nécessairement une explosion et s'il ne générait le reflet de l'être du désordre. Mais ce n'est pas le faire du néant qui est désordre; c'est le produit de ce faire. La caractéristique du néant est de ne pouvoir vivre sans la production automatique de son reflet l'être.

dimanche 24 octobre 2010

L'entropie, qui n'en est plus à un paradoxe près, est tenue de manière croissante pour un concept philosophique qui appartiendrait à la postmétaphysique. Pourtant, tout indique dans la croissance de l'univers que le fonctionnement du réel est antientropique - ou néguentropique. Dans un premier sens, les théories physiques du chaos, ou irrationalistes comme celles de l'infiniment petit (ainsi de la mécanique quantique), sont détournées sous couvert d'être prolongées - vers la métaphysique. On fait comme si l'idée physique d'entropie avait une portée métaphysique quasiment incontournable.
Non seulement toute théorie physique mérite d'être discutée; mais encore la réflexion sur le réel pousse à trouver absurde l'entropie. Toute théorie nihiliste repose sur l'absurde, ainsi que Schopenhauer l'avait compris - à ceci près qu'il entérinait ces considérations ineptes. Si l'on se reporte sur la théorie physique des atomes, au sens antique, elle est absurde (et démentie par les théories physiques modernes) en ce qu'elle est contrainte d'arrêter le cours de l'infini au stade de l'atome. Cet arbitraire est irrationnel au sens où la théorie ne tient pas la route.
Quand Aristote, qui oeuvre dans le compromis ontologique, définit le réel, c'est pour le décréter fini, ce qui rend la question de l'infini brûlante, voire intenable. Quand Descartes, qui fonctionne comme une sorte d'Aristote des temps modernes, prétend expliquer l'univers, il sépare soigneusement l'univers physique rationnel d'une autre partie qu'il reconnaîtra quant à lui (au contraire d'Aristote), mais pour mieux lui attribuer un fonctionnement miraculeux de deux ex machina.
Si l'on adoube la théorie entropique, on ne peut que se montrer nihiliste, car aucune ontologie qui reconnaît que seul quelque chose existe (quel que soit ce quelque chose) ne peut accepter que l'on se dirige vers un modèle de réel qui mène vers le néant. Telle est la théorie de l'entropie. Pourquoi présente-t-elle à travers les siècles un tel attrait? C'est qu'elle possède une part de vérité : effectivement la question du néant mérite d'être débattue, d'autant plus qu'elle est clairement déniée dans les modèles transcendantalistes.
D'un point de vue plus entropique, on constate bel et bien que les corps reviennent à la poussière, pour parodier un constat biblique (qui remonte à avant la Bible et qui n'a guère été modifié depuis, y compris par les plus brillants physiciens propagateurs de thermodynamique et d'entropie)... Mais ce constat s'appuie dans le modèle néanthéiste sur la diminution qualitative, qui provoque une croissance quantitative.
Le néant pur, qui est quelque chose, même s'il est faire et non pas être, contient une énergie invraisemblable et antagoniste qui lorsqu'elle est contactée provoque une forme de déflagration qui engendre à son tour la croissance. C'est ainsi qu'est né le réel ordonné tel que nous le connaissons, sur un modèle proche du Big Bang. C'est ainsi qu'il continue à fonctionner, car il est impossible que ce qui est aille vers ce qui n'est pas - ou qu'il retourne au modèle du faire. Le néant néanthéiste engendre nécessairement comme complément viable l'être.
A partir de ce reflet incessant et indéfini, l'être ne peut que grandir, car il n'est jamais coupé du faire et que tout contact avec le faire engendre sa croissance continue. La limite de cette croissance peut à la limité passer par des explosions successives sur le modèle du Big Bang, car il est possible que certaines limites dans l'ordonnation implique des explosions théoriques et littérales. Le modèle entropique est faux, car quelque chose ne peut jamais devenir rien.
Et si quelque chose demeure forcément quelque chose, la loi de l'immuabilité n'existe jamais à partir du moment où l'on comprend que le faire est incomplet et engendre nécessairement l'être comme envers et complément. La néguentropie nie ontologiquement ce qui peut exister physiquement (dans un processus limité et défini). Seul, le faire serait voué à la perpétuelle destruction/reconstruction de ce qui ne se détruit jamais. Mais le faire suscite l'être en complément logique et inévitable.
Du coup, cet être ne cesse de croître en tant qu'il contacte toujours le néant et qu'il est sans cesse accompagné par le néant (le néant pur engendre le néant relatif). Sans doute cette croissance trouve-t-elle une certaine limite avec les explosions qui peuvent reconfigurer l'ordre, mais il n'est jamais de néant sans ordre, jamais de rien, toujours du quelque chose - et jamais d'ordre sans croissance anti-entropique. Le passage ontologique du concept physique d'entropie révèle une fraude sémantique qui devient cohérente dans l'explicitation du modèle néanthéiste.

samedi 16 octobre 2010

Contrairement à une idée répandue, le néant ne rime pas avec le désordre et la confusion. La fusion, peut-être. Le bouillonnement? Le choc. Si l'on est d'accord avec l'idée que l'être signifie l'ordre; et que le réel comprenant l'être et le néant n'est pas intégralement composé d'être; si l'autre partie complémentaire est le néant; si le néant occupe avec l'être le reflet comme figure ontologique, alors le principe de l'être est complémentaire (l'inverse est le complément) avec le faire. Le néant est le faire. Le principe qui engendre l'ordre est le faire. C'est une idée inverse de l'idée selon laquelle le chaos est indétermination et confusion.
Le chaos est ce qui détermine tout en étant incomplet. Le néant est le déterminé au sens où il fait, accomplit, agit. Le chaos fait au sens où il fait l'être comme complément à son incomplétude invivable. Le néant est l'insécable et l'unifié : plus que l'unique, il est l'unifié, soit ce qui n'est pas morcelé. Le néant est l'inverse. On comprend le néant par rapport à l'être par le rapport d'enversion. Le néant seul se détruirait car il est l'unifié incomplet. Il suscite en reflet d'enversion le morcelé incomplet. Le néant est ce qui à la fois ne peut se suffire à lui-même sans se détruire (disparaître); et qui est l'unifié en mesure de faire. La création désigne cet endroit où l'on crée à partir du néant - à partir du faire.
Que serait le néant sans l'être? Peut-on définir le néant sans recourir à des purs inverses et des purs négatifs? Peut-on dire l'envers de l'être? Oui, à condition de partir du faire et de comprendre que le néant fait dans la mesure où il est confusion. Cette incomplétude n'est possible que si l'on définit le néant comme l'explosion - d'où l'être en complément. Depuis l'être, on diminue pour rentrer en contact avec le néant et cette diminution qualitative engendre l'augmentation quantitative. D'où : la diminution par enversion signale que le néant est cet insécable bouillonnant et infime qui crée à tout moment au sens où il est le faire. Créer, c'est sortir de la confusion et du bouillonnement autodestructeur. Créer, c'est faire.
Pour reprendre en le modifiant le schéma des platoniciens et des néo-platoniciens, il est deux sortes de néant : le néant pur et le néant mâtiné d'être. D'un côté, il existe une forme qui forme avec l'être le complément au réel. De l'autre, le néant accompagne l'être dans sa formation, ce qui fait du néant un complément de l'être - en plus du néant qui existe de manière indépendante. On mesure l'erreur nihiliste : avoir senti l'existence du néant, tout en lui conférant une positivité fausse - au sens où leur définition du néant propose une réalité antagoniste du réel (où deux contraires s'affrontent).
Le néant est cet éther (ce vide) qui partout accompagne comme en complément l'ordre à condition de comprendre que l'accompagnement implique la préexistence d'une forme de néant pur qui est insécable et qui engendre le faire. C'est de ce néant que découle l'ordre, car le néant n'est pas complet et ne peut demeurer seul, tel un être sans complément en miroir. Au contraire, le néant est l'un des deux reflets. Il suscite le mouvement éternel du reflet.
Quant à la diminution, elle signale que l'insécable est l'infime. L'infime est une véritable boule d'incompatibilité qui génère des tensions telles qu'il provoque la naissance en reflet de l'ordre réel et fini. D'un côté l'infini, de l'autre le fini; d'un côté le morcelé, de l'autre l'insécable; d'un côté le faire, de l'autre, l'être; les couples sont formés sur le modèle de l'enversion (du reflet). L'envers (reflet) de l'être, c'est le faire. L'envers connote le passage d'un reflet à un autre, d'une incomplétude à une autre, le jeu entre deux ordres complémentaires : l'être et le faire.

mercredi 13 octobre 2010

Si l'on peine encore à définir le néant non nihiliste, soit un néant pas reconnu, il reste une méthode qui permet de cerner la raison du choix du néant néanthéiste en lieu et place de l'Etre et contre le néant nihiliste : c'est le mécanisme de l'enversion. Quelle rupture nous annonce et nous enseigne l'enversion? Le transcendantalisme fonctionne sur le mode de l'englobement. Cet englobement de l'être dans l'Être se produit à partir du prolongement, ce qui peut paraître un mécanisme bien incertain, mais un mécanisme qui demeure le seul viable dans l'histoire - sur des millénaires. L'englobement répond à l'erreur nihiliste atavique, selon laquelle c'est l'antagonisme qui explique le réel (réel/néant).
La caducité de la méthode transcendantaliste a permis (paradoxalement) de réhabiliter le nihilisme sous une forme moderne et accrue (radicale) : l'immanentisme. L'examen sommaire du nihilisme indique que toute forme de nihilisme est fausse, quelles que soient ses spécificités et ses corrections. Quant à la caducité du transcendantalisme, elle survient suite à l'effondrement de la définition du sensible, qui rend encore plus douteuse la représentation par prolongement de l'idéal.
Au lieu de suivre un raisonnement bizarre selon lequel l'effondrement de quelque chose réhabiliterait le chaos, il convient de comprendre que le transcendantalisme a besoin d'un prolongement historique et que ce prolongement lui est offert par le néanthéisme. Le néanthéisme fonctionne à partir d'un constat : dans le système transcendantaliste, le néant est le grand absent. Le grand dénié. On dénie ce dont on ne peut accepter l'existence. Le transcendantalisme ne peut accepter l'existence du néant parce que dans sa méthode de prolongement sensible/idéal, le néant est une forme incompatible.
Mais la persistance de l'existence du nihilisme indique qu'il manque quelque chose dans la représentation transcendantaliste. Cette exigence s'est encore accrue avec l'effondrement du transcendantalisme. Si bien qu'on peut dire que si le nihilisme propose la bien mauvaise réponse, il pose la bonne question. Aujourd'hui l'on découvre la teneur de ce manque : c'est la limite physique de la Terre en tant qu'expérience sensible indépassable pour la conscience transcendantaliste.
La question que pose le nihilisme, c'est : peut-on expliquer l'incomplétude du sensible par l'englobement de l'Etre? Ne peut-on pas plutôt inférer de l'incomplétude sensible que le manque est complété de manière invraisemblable certes par le néant? Le néant contre l'Etre signifie que le réel n'est pas entièrement composé de la même composante, ce qui est un débat capital. Car si les nihilistes apportent une réponse mauvaise, irrationnelle et inexplicable, le mythe du néant pur, les ontologues de type transcendantaliste n'ont pu soutenir leur assertion de l'Etre intégral qu'au prix de la censure et du rejet de la question du néant, soit d'un réel qui est composé au final d'une texture différente et non uniforme.
Au moment de la crise monothéiste, la question du néant ressort parce que le polythéisme l'avait résolue en instaurant la pluralité des formes sensibles. Du coup, le néant devenait inféodé à cette différence. Platon s'en est souvenu qui identifie explicitement le néant à l'autre (et seulement en un second sens au faux). Sans doute escompte-t-il couper l'herbe sous le pied des revendications nihilistes (principalement des sophistes) avec cette définition du néant.
Platon est le plus grand philosophe de son temps et il choisit de tirer l'ontologie rationnelle vers le religieux monothéiste en comprenant que le ver est dans le fruit, soit que l'ontologie est d'expression humaine dans la mesure où cette revendication abrite le nihilisme qui profite de la crise monothéiste.
Platon est un réformateur transcendantaliste qui fait de l'ontologie une expression monothéiste de manière durable, mais qui en même temps indique que le passage du polythéisme au monothéisme ne se fait pas sans un coup de force : le remplacement du nihilisme par l'adjonction du rationalisme humain au monothéisme. C'est dire que le monothéisme pour réussir sa transition est contraint d'ajouter l'ontologie rationaliste.
L'expression religieuse a réduit. Ce n'est pas forcément un pur inconvénient si l'on s'avise que le déni du néant grandit encore sous le monothéisme à mesure que le néant opère son retour croissant avec la crise monothéiste et la mue transcendantaliste du polythéisme vers le monothéisme. Car la croissance de la part nihiliste déniée dans le monothéisme (avec le tabou platonicien de type religieux) implique que le retour de la question du néant, soit l'option qui agit l'effondrement du transcendantalisme.
Ce que le transcendantalisme ne veut pas savoir, c'est qu'il est condamné à s'effondrer avec la fin de la conquête terrestre. Cette limite géographique trouve sa correspondance ontologique dans le refus du néant. Le sens qui refuse le néant s'arrête à l'espace, car l'espace signale la texture différente du réel, que l'on peut très bien assimiler à du néant. Raison pour laquelle les immanentistes refusent d'aller découvrir et conquérir l'espace : dans leur système l'espace est assimilé à l'antagoniste, à l'incompréhensible. Pour faire sauter le verrou, ni le nihilisme ni le transcendantalisme ne sont envisageables car l'un comme l'autre refusent d'envisager la question du néant.
Les transcendantalistes refusent le néant car c'est l'Etre qui prend la place manquante. Au mieux, le néant occupe la portion congrue. Dans le système platonicien, il est l'autre. Le néant ou le vide n'existent jamais à l'état positif ou brut, mais sont intégrés en tant qu'ils sont d'une certaine manière de l'être. Le non-être indique que l'Etre prend des formes parfois déroutantes pour laisser place à l'autre. Le point faible cardinale du transcendantalisme tient à mal expliquer (ou pas du tout) pourquoi l'Etre donne lieu à l'être et surtout pourquoi l'Etre donne lieu au changement.
Cela, Platon l'explique peu, et ses suivants les néo-platoniciens, en prétendant, avec Plotin, que l'Un est non-être ne font que reculer le problème et surtout diffèrent ce Non-Etre originel et absolu du non-être platonicien, qui ressortit de l'être, quoique de manière alambiquée. Le non-être est non-dit. Telle est la raison principale de l'effondrement du transcendantalisme. Le schéma transcendantaliste montre sa face erronée par rapport à son explication de l'englobement, qu'il tire par prolongement.
La réalisation des schémas humains repose le plus souvent sur des élaborations simples. Le prolongement qui débouche sur l'englobement est une proposition simple. Tellement simple qu'elle s'effondre brutalement quand le nihilisme moderne, l'immanentisme, découvre que le schéma repose sur l'erreur. Comment prolonger quand le point de référence se révèle faux? On prolonge sur un mensonge qui est contenu dans le terme même de prolonge-ment?
Toujours est-il que le nihilisme pose le bon problème (du néant) et lui apporte la mauvaise réponse. Effectivement, le problème tient au déni du néant. Mais la réponse nihiliste est mauvaise : le nihilisme antagoniste, soit le schéma antagoniste. Au lieu que le néanthéisme substitue au schéma transcendantaliste caduc un schéma qui intègre le néant tout en réfutant le néant pur de type antagoniste.
Le schéma néanthéiste se définit par l'enversion, soit par la prise en compte que le réel n'est pas constitué d'une matière uniforme, mais d'une complémentarité qui s'explicite par le reflet. Dans ce schéma, le néant n'est plus inféodé à la notion d'Etre découlant de l'être, ni composé d'une structure antagoniste d'un Non-Etre pur et inexplicable. Si le nihilisme repose sur un schéma pire que l'erreur transcendantaliste, le transcendantalisme a besoin d'un bon coup de peinture.
Plus que de rafraîchir sa texture, ce que des Platon ont déjà fait avec l'opération monothéiste et son corollaire ontologico-rationaliste, le transcendantalisme ne peut que se prolonger sur une nouvelle forme. Cette forme repose sur le mécanisme de l'enversion, soit d'un néant qui est quelque chose, mais qui n'est pas au sens de l'être. Une forme complémentaire au réel et non antagoniste, tout à fait explicable et définissable. A bientôt.

mercredi 22 septembre 2010

Dans la quête de Platon, il convient de replacer au centre de son action l'héritage de son enseignement égyptien par rapport au savoir des sophistes. Les sophistes ne sont pas spécifiquement nés en Grèce. Un Démocrite a beaucoup voyagé, notamment en Perse (sans doute pourrait-on lier ses conceptions matérialistes à des traditions mésopotamiennes liées à certains mythes d'Inde). Les cyrénaïque viennent de Libye. Un Hégésias qui est l'exemple du nihiliste antique suit les pérégrinations de l'école cyrénaïque d'Athènes et s'installe en Egypte pour un temps (Alexandrie exactement).
Platon part de la constatation lucide selon laquelle le religieux est en profonde mutation. L'enseignement de Socrate lui permettra de donner une inflexion religieuse philosophique à ses questions, mais l'on peut estimer que son génie propre est d'avoir situé la philosophie de tradition occidentale dans le giron du monothéisme - au grand dam des nihilistes qui ressurgissent historiquement dans la modernité avec l'immanentisme et l'indignation amoraliste d'un Nietzsche.
Platon a si bien réfuté l'entreprise sophistique de son temps qu'il a contraint un Aristote (son élève) à biaiser en faisant mine de reprendre l'Etre sous prétexte de le subvertir par des menées nihilistes. Dans l'histoire de la philosophie, l'Etre subverti de type aristotélicien est un compromis entre l'Etre platonicien et le néant nihiliste. Aristote est contraint d'agir de la sorte parce qu'il sait que son maître honni et respecté a détruit la solution nihiliste telle qu'elle survient au moment où le polythéisme ébranlé menace le transcendantalisme dans ses fondations.
Le rôle historique et religieux d'un Platon consiste bel et bien à sauvegarder l'héritage transcendantaliste en lui offrant une perspective de poursuite par le biais du monothéisme. Ce faisant, les monothéistes préservent le transcendantalisme et lui offrent une prolongation d'existence et de sens. Mais le problème du transcendantalisme consiste à offrir une solution pérenne au niveau du quelque chose en faisant disparaître la question du néant assimilée (voire amalgamée) à la solution nihiliste.
Le nihilisme postule que le réel est constitué d'un réel fini et d'un néant infini et antagoniste. La réponse transcendantaliste consiste à remplacer le néant nihiliste par un englobant prolongeant qui aux prémisses du transcendantalisme de type polythéiste est pluriel (les dieux) et qui devient avec le monothéisme dominant le Dieu unique (l'Etre en termes ontologiques). Cette manière de procéder présente l'insigne avantage de permettre le développement du religieux et de la culture - alors que le modèle nihiliste (historiquement premier) détruit.
Mais l'inconvénient de cette admirable méthode transcendantaliste est qu'elle est limitée : le fait qu'elle occulte la question du néant et qu'elle la recouvre de la solution de l'Etre indique cette limite : l'Etre est le prolongement (englobant) du sensible. On prend le sensible et on l'hypostasie. Le sensible est limité aux dimensions de la Terre qui est le domaine de connaissance sensible du réel. Hors de cette limite, le transcendantalisme ne répond plus.
Comme l'histoire humaine est caractérisée par une constante (et indéfinie) expansion, le transcendantalisme convient tant que l'expansion humaine se maintient dans les bornes de la Terre. Mais le globe terrestre étant de stature finie, il devait arriver fatalement que l'homme finisse par le dominer intégralement - et que les codes transcendantalistes deviennent désuets. Dès lors l'effondrement du transcendantalisme est autant métaphysique (avec une acception religieuses) que topographique (ou géographique).
Dans cette conception, l'effondrement du transcendantalisme laisse réapparaître le nihilisme croissant, qui a tellement gagné en vigueur avec l'effondrement du transcendantalisme qu'il reparaît sous une forme moderne plus radicale et agissante : l'immanentisme. Ce n'est pas un hasard si le nihilisme revient avec plus de force au moment où s'effondre le transcendantalisme : car la question centrale (fondamentale) du néant n'a pas été réglée.
C'est le moins qu'on puisse observer. Tout l'effort du transcendantalisme aura été de répondre à la question du néant par la réfutation du nihilisme, sur le mode : je remplace la question du néant par la question de l'Etre. Technique caduque. Le monothéisme n'a fait que l'accroître en substituant l'unicité de Dieu à la pluralité des dieux - en radicalisant le dogme transcendantaliste. Aujourd'hui que nous sommes parvenus à la limite du transcendantalisme et à son effondrement en cours (ce que confirme le déni de la plupart de ses membres qui sont aussi ses thuriféraires consternants, quoique prévisibles), il convient de remplacer la technique suranné et dépassée de l'englobement/prolongement par la nouvelle technique permettant le nouveau religieux : l'enversion - au service du néanthéisme.

mardi 21 septembre 2010

Définir le néant est la tache qui incombe à l'aventure humaine qui se poursuit. S'il est vrai que souvent l'homme définit théoriquement après avoir mis en pratique un postulat qu'il a plus pressenti que rationalisé, le choix du néant pour remplacer l'Etre et pour définir le divin a de quoi déconcerter. Le néant est fort mal connoté par la tradition - notamment monothéiste (en particulier la branche de l'ontologie occidentale descendant de Platon). Il est vrai qu'on l'accole au nihilisme, dont l'immanentisme est la forme moderne.
Cependant, il convient de se demander pourquoi le nihilisme reparaît avec autant de force lors de la crise occasionnée à l'intérieur du transcendantalisme par le passage du polythéisme au monothéisme. C'est que le nihilisme est le courant originel qui pose la question profonde à laquelle les monothéistes ne répondent qu'imparfaitement - quoique valablement du point de vue du quelque chose. Ce n'est pas pour rien que les sophistes connaissent un tel succès à l'époque de la crise de passation entre polythéisme et monothéisme : parce que malgré leur démesure, ils posent la question profonde du néant.
Comme diraient les hommes d'affaires, ils mettent la question du néant sur la table. Pour le reste, ils apportent au problème les pires des réponses, à l'exemple du sophiste pessimiste moderne Schiffter, dont le seul intérêt historique est, comme dirait son maître Nietzsche, symptomatique. Tout l'effort spécifique du maître de l'ontologie d'obédience monothéiste Platon consistera à enterrer la question du néant pour la recouvrir de sa chape de l'Etre. Tout le mérite d'un Platon est de proposer une alternative pour pérenniser l'homme après la crise polythéiste.
Platon comprend que la question du néant telle qu'elle est résolue par les nihilistes ne tient pas la route - ou seulement pour peu de temps. Du coup, il propose un système hérité des pythagoriciens (descendants sur le sol grec du savoir égyptien) qui a la particularité de prolonger cette pérennité menacée par la crise de la fin du polythéisme et de l'avènement du monothéisme. Platon se situe comme l'un des principaux fondateurs du monothéisme dans la culture occidentale.
Mais il ne parvient à rejeter le nihilisme personnifié par les sophistes qu'au prix du rejet obstiné de la question du néant. Les monothéistes la recouvre du manteau englobant et géant de l'Etre. Dieu est le synonyme de l'Etre en tant que vocabulaire ontologique. Or l'Etre permet certes de prolonger le quelque chose tandis que le néant de facture nihiliste engendre la destruction et la disparition. Mais ce prolongement n'est que provisoire.

jeudi 29 juillet 2010

S'il convient de ne pas sombrer dans la mode des multivers et autres mondes parallèles, reprenons le modèle de Leibniz : parmi les infinis possibles qui s'offrent à Dieu, Dieu choisit le meilleur des possibles pour le faire advenir à l'existence. Cette structure n'est envisageable que si on la distingue de la structure des multivers par le caractère de l'unité : quelles que soient les multiples formes que prend l'univers, toutes sont liées les unes aux autres.
Mais la finitude du meilleur des mondes leibnizien indique que ce monde aussi parfait soit-il n'est pas complet : cette incomplétude viscérale pose la question initiale. Si le meilleur des mondes est incomplet, alors la structure d'incomplétude recoupe l'emboîtement (les poupées russes). Ce qui sépare l'infinitude des mondes incomplets de l'hypothèse des multivers, c'est la notion de parallèle (mondes parallèles) : des mondes parallèles infinis ne se touchent pas, ne se rencontrent pas, n'ont aucun contact entre eux. Alors que selon une structure d'héritage leibnizien, les mondes sont interconnectés entre eux puisqu'ils s'emboîtent.
Il convient de distinguer deux idées dans la forme du réel :
1) les possibles et le réel;
2) à l'intérieur de ce réel, l'emboîtement conserve l'unicité au point que chaque monde fini forme une unité représentative de l'ensemble des mondes auquel il se trouve interconnecté.
Sans cette structure d'emboîtement à l'infini, le monde extérieur et général contredirait notre propre corps, qui contient une infinité de mondes le constituant et qui s'ouvre sur un monde infiniment grand qu'il tient (improprement) pour un. Seul l'emboîtement permet de résoudre le problème de l'infiniment petit et de l'infiniment grand. Mais la solution que propose Leibniz, si elle résout la question des univers parallèles en montrant leur impossibilité (le manque de lien et d'unité), pose le problème des possibles : qu'est-ce que le possible et qu'est-ce qui le distingue du réel?
Si le possible est ce qui possède une perfection moindre et que l'existence est ce qui possède la plus grande des perfections, alors les possibles représentent des états qui oscillent entre la réalité (incarnation) et la virtualité, avec comme particularité qu'ils oscillent de plus en plus vers la virtualité. Le possible désigne cet état de réel qui existe indépendamment de l'incarnation sensible. L'incarnation sensible étant le maximum de perfection des possibles, l'emboîtement est la structure en plus de cette infinité de possibles.
Le possible non incarnable est de structure finie car ce qui présente moins de perfection que le maximum de perfection est assujetti au fini. Si les possibles plus leur incarnation indéfinie (infinité d'ordres finis) sont de structure finie, alors l'infinitude générale du réel incarné (de type unique) plus des possibles interconnectés et non incarnés sont de nature incomplète. La complétude implique donc l'existence d'une autre incomplétude, qui ne ressortit pas de la structure d'ordonnation finie.
Soit cette structure est tenue pour le néant nihiliste et elle se trouve alors en antagonisme avec le réel sensible; soit elle se trouve biffée par l'englobement transcendantaliste. Pourtant cette structure existe comme enversion, c'est-à-dire qu'elle se trouve liée aux possibles et aux ordres incarnés, sans épouser leur structure même. La différence principale tient à l'infinitude du néant néanthéiste. L'infinitude n'est pas la complétude. L'infinitude est compatible avec l'incomplétude. Raison pour laquelle le néant existe à l'état d'unicité unifiée et à l'état d'indépendance par rapport à l'ordre.
Dieu est la somme unifiée de ce néant et de ces ordres (comprenant les possibles). Dans cet enchaînement, le néant imprègne les diverses successions d'ordre en tant qu'il constitue chaque fois le complément en miroir de l'incomplétude des ordres, mais la simultanéité du néant (comprise comme simultanéité de l'éternité par certains théologiens chrétiens) fait que le néant à la fois :
- est l'imprégnation constitutive de chaque ordre incomplet
et
- recouvre l'existence d'une dimension infinie et incomplète dont on ne peut que relever la structure d'enversion.
Cette enversion implique que :
1) l'unité fondamentale du réel est restaurée, contre le schéma nihiliste qui brise l'unité pour la transformer en dualité antagoniste;
2) la connaissance est possible puisque le réel se trouve lié par toutes ses parties et que l'enversion si elle diffère de l'englobement ne remet pas en question l'unité ontologique (comme la connaissance afférente);
3) la contestation contre le transcendantalisme se trouve dépassée par le rapport d'enversion.
La distinction entre néanthéisme et nihilisme est définitive : le nihilisme sépare deux formes de réels irréductibles et antagonistes; le néanthéisme lie ces deux formes en mettant l'accent sur le fait que le lien s'opère sur le mode du miroir (de la gémellité) et que l'incomplétude commune (généralisée) succède à la complétude de l'Être (dans le schéma transcendantaliste).

jeudi 24 juin 2010

Selon la définition du néant, c'est le non-être qui est à définir. Qu'est-ce que le non-être? L'être est dans le transcendantalisme un certain ordre fini et imparfait. L'être est dans l'immanentisme la production du désir antagoniste du néant (dénié). Le néant existe en tant qu'il n'existe pas. C'est la posture de conséquence (inconséquente) du nihilisme.
Dans le néanthéisme, l'être désigne l'ordonnancement, quand le non-être n'existe pas. De ce point de vue, le néanthéisme rejoint le transcendantalisme : il ne peut y avoir que quelque chose. Il ne peut y avoir rien. Par contre, il se démarque du transcendantalisme et intègre le nihilisme en ce qu'il reconnaît que la question du néant est centrale. Dans le transcendantalisme, la question du néant était rejetée avec un certain dédain, voire une certaine virulence. Le néanthéisme dit : le néant existe, en tant que quelque chose.
Selon le néanthéisme, l'être est de l'ordonnancement. Le non-être n'est pas ce qui n'existe pas contre ce qui existerait. Le non-être devient de l'être en enversion, soit une nouvelle définition du réel qui n'est ni l'englobement transcendantaliste, ni l'antagonisme nihiliste. Selon l'enversion, il faut bien que le néant soit quelque chose, mais la forme de l'enversion implique que le réel ne fonctionne pas de manière uniforme ou prolongeante, mais que le quelque chose obéisse à deux grandes structures : la structure de l'ordonnancement (finie) et la structure du néant (infinie).
Qu'est-ce que l'infini? Dans le transcendantalisme, l'infini pose problème car il est défini sur le même mode que le fini. Problème : si le fini est expérimentalement indiscutable, on ne peut pas en dire de même de l'infini... D'où la force de persuasion du nihilisme, qui part du constat d'absence de cet infini transcendantaliste (Dieu ou l'Être) pour définir en antagonisme l'englobement. Le nihiliste explique que l'infini est néant. Bien entendu, il a recourt généralement à des explications plus fuyantes, comme l'incréé chez Spinoza. Mais quand on considère que l'infini est indéfinissable ou qu'on recourt à des termes non définis, c'est un aveu de nihilisme.
Selon le néanthéisme, le néant est quelque chose, pour reprendre la conception du transcendantalisme telle qu'elle se trouve formulée par Leibniz (pourquoi quelque chose plutôt que rien?). L'enversion indique la raison pour laquelle l'infini n'est pas palpable et expérimentable pour des êtres finis. Si le fini ne perçoit pas l'infini, c'est qu'il en a par ses sens empiriques une représentation entièrement négative.
La tâche supérieure de l'homme consiste à dépasser les sens empiriques et à conférer à la raison une dimension qui n'est pas empirique. Une dimension qui permet de donner à l'infini une portée non négative, une portée incertaine et positive. L'infini se trouve définissable par la raison, mais de manière provisoire et imparfaite. Raison pour laquelle cet effort de définition n'est jamais tout à fait satisfaisant. Le nihilisme profite du caractère incertain de la définition positive de l'infini pour saper l'effort de définition et en revenir à une définition négative et empirique (sensuelle).
Le transcendantalisme s'effondre parce que la définition positive qu'il a produite s'avère désormais trop incertaine. L'englobement est plus incertain que positif. Il se fait évanescent, voire insaisissable. Du coup, l'effondrement du transcendantalisme fait le jeu de l'immanentisme. Si l'Être s'effondre, le néant refait surface. Il promeut non pas le néant explicite, mais le réel explicite en se targuant de désigner le réel le plus évident quand le transcendantalisme serait le discours portant sur les arrières-mondes illusoires.
Pour contrer l'immanentisme qui mène au néant destructeur (la seule positivité de ce néant nihiliste), il convient non pas de revenir au transcendantalisme, qui se trouve gangrené par l'immanentisme, mais de fonder un nouveau pacte religieux, dans le prolongement du transcendantalisme. Ce pacte néanthéiste redéfinit le quelque chose tout en continuant à estimer qu'il n'est de réel que du quelque chose. Mais le quelque chose passe d'un schéma d'englobement à un schéma d'enversion.
Dans ce changement, le néant se trouve reconnu. Qu'est-ce que le néant s'il est quelque chose? Le néant est ce qui n'est pas au sens où l'enversion désigne le néant comme l'envers de l'être. Le néant en tant que quelque chose est possible. Il est quelque chose - quoi? Contrairement à ce qu'estiment les nihilistes, que le néant serait désordre, le néant ne se définit pas par l'absence d'ordre. Encore que. Pas l'absence d'ordre au sens où il est un réel qui précède l'opération d'ordonnancement fini, mais que ce réel doit être défini positivement.
Le désordre signifie le contraire de l'ordre, soit un terme négatif (le suffixe dés-). La négativité contraire à l'ordre tend vers le chaos (le bordel cher à Rosset). La négativité sans positivité tend vers le néant nihiliste. Raison pour laquelle la position sceptique tend vers le néant. Le néant négatif est chaos au sens où il est quelque chose, mais quelque chose d'autre. Il n'est pas de néant qui ne soit. Ce qu'est ce qui est tenu pour ce qui n'est pas est : une chose accompagnée d'une fausse représentation, soit d'une dissociation entre l'être et la représentation.
Avec le nihilisme, l'erreur consiste à toujours en demeurer à l'ordre de l'être sans jamais aller au-delà. Comme le nihiliste ne va pas au-delà de l'être, il en conclut qu'il n'y a rien au-delà, soit que le néant est l'antagoniste de l'être. Si l'on ne peut aller au-delà, c'est qu'il n'y a pas d'au-delà. D'où l'apologie effrénée et inconditionnelle de la surface et de l'apparence par le nihiliste : on ne saurait qu'en rester aux apparences puisqu'aller au-delà, c'est butter contre rien.
Rosset distingue nettement entre le rien qui désigne quelque chose de vide et rien qui désigne une non réalité (un non être) dont la teneur est antagoniste de la teneur en être contenue dans le sensible imparfait. Dans l'enversion, cet au-delà existe. L'enversion permet d'aller au-delà de l'ordre et du sensible parce que le réel ne saurait jamais être formé que de teneur en quelque chose. Pour le néanthéisme, rien n'existe pas - précisément.
Qu'est-ce que le néant néanthéiste? Ce n'est ni du chaos (bordel), ni du désordre (sceptique). C'est de l'insécable, de l'unifié, de l'unique. Telle est la définition de l'infini, qui recoupe la définition du néant : de l'unifié. Face au morcelé ordonnancé en être fini, l'infini est du néant unifié. Plus qu'unique, Dieu est unifié. L'infini unifié est aussi l'incomplet. L'enversion explique cette complémentarité incomplète du néant infini et de l'être fini au sein de l'enversion : la complétude n'existe pas; le néant renvoie à l'unifié.

jeudi 20 mai 2010

Le changement intervient quand la finitudisation ne considère plus l'infini et tend de plus en plus à ne considérer que le fini.
Je précise que le modèle de destruction comme passage obligé dans le processus de changement n'est pas un modèle de destruction pure du type nihiliste. La destruction n'est jamais la fin. Quelqu'un qui se demandant ce qu'est le changement en viendrait à l'idée qu'il convient pour lui de détruire et que la construction viendra par la suite se trompe lourdement. Car la destruction qu'il occasionnerait sera effective. Quant au changement, fort du principe selon lequel la nature a horreur du vide (au sens de néant nihiliste), il sera aussi effectif qu'étranger au destructeur - et à la destruction.
Le modèle ordo ab chao (sous sa formulation politique impérialiste diviser pour régner) est faux. Pour une raison simple : le chaos positif n'existe pas. On ne peut pas détruire pour construire dans le sens où la destruction est un passage dans le processus, jamais une fin. La fin d'un processus de construction ou de création tient au changement, soit à l'édiction de nouveaux principes. La destruction nihiliste tend à finitudiser le réel, soit à considérer que le changement existe de manière contradictoire : lui qui serait à la fois changement serait aussi maintien dans l'ordre donné (qui est l'ordre unique ne tant qu'il est fini).
Le nihilisme veut à tout prix conserver l'ordre tel qu'il est, soit changer sans changer. D'où sa théorie contradictoire de l'ordre par la destruction. Tout changement implique le remplacement au moins progressif de l'ordre. Tout changement exprime l'intégration de l'infini dans un donné. Cette intégration suppose bien des chamboulements et des désordres, mais le processus n'est pas commandé par la destruction. Il est guidé par le principe de l'infini qui est d'être quelque chose. Diminuer pour croître : détruire pour décroître. Le changement se manifeste par l'accroissement, quand la destruction décroît. La destruction ne change pas, mais à quel prix : elle engendre du coup la destruction totale, la destruction de l'ordre voulant se sauver.
Le néant néanthéiste s'oppose au néant nihiliste.
L'avantage du nihilisme, c'est qu'il a mis sur la table la question du néant.
Le transcendantalisme avait évacué le bébé avec l'eau du bain. Le transcendantalisme évacue le hasard et derrière le rôle marginal dévolu au hasard, il faut voir dans le hasard le prête-nom, voire le masque (attirail typiquement vénitien revendiqué par Nietzsche), que joue ce terme - en faveur du néant.
La pérennité du nihilisme dans le comportement humain tient en fait à l'existence du déni (le déni désigne un refus du réel). Déni à propos de la question du néant. Si horrifiés par cette question, les transcendantalistes ont remplacé le mot néant par l'Être avec une interdiction formelle d'aborder la question qui fâche. La réaction d'un Platon à ce sujet est symptomatique : la censure dont il frappe Démocrite (avec raison sur le fond du débat) va de pair avec le traitement criminel de son maître Socrate et de ses idées.
Il n'est pas envisageable à l'intérieur du transcendantalisme d'admettre ne serait-ce qu'hypothétiquement la question du néant. Ce rejet violent, cet ostracisme intransigeant s'expliquent parce que la question du néant n'est pas envisageable pour le transcendantalisme. Qu'est-ce que la structure de pensée du transcendantalisme? C'est l'englobement. Si le sensible est une partie du tout, alors le réel parcellaire qu'est le sensible est forcément englobé par une forme englobante qui est son prolongement englobant.
Dans cette conception de structure, l'Être est le prolongement englobant de l'être : le hasard et le néant n'y ont pas leur place. La question du néant se trouve ainsi refoulée alors qu'elle est centrale. La pérennité du nihilisme vient précisément du fait que la question centrale qu'il met sur la table est rejetée sans examen, dans le déni. Qu'est-ce qui expliquerait la viabilité de la question nihiliste - en même temps que l'incapacité du transcendantalisme à éradiquer la survivance du nihilisme?
1) L'Être n'est pas défini ni définissable.
2) Le schéma structurel du nihilisme repose sur l'antagonisme irréconciliable néant/réel.
Or le succès du nihilisme tient précisément au fait que l'on sent dans l'expérience quotidienne que l'englobement comporte au moins une faille majeure dans son hypothèse théorique : il existe une différence dans la structure du réel sans quoi ce que l'on nomme Être et qui est prolongement serait palpable, visible, de l'ordre de l'expérience.
La critique qui peut être adressée au nihilisme tient à la certitude que prétend apporter le nihilsime ne tant que modèle supérieur (par rapport au modèle alternatif et majoritaire de type transcendantaliste) : à quel prix (quelle exigence) obtient-on cette certitude? La méthode nihiliste réduit pour garantir la certitude.
Son raisonnement pourrait s'énoncer comme suit : pour obtenir de la certitude, le mieux est encore de choisir du certain à tout prix, soit de réduire le champ du réel au spectre du connu le plus irréfutable. On obtient de la sorte un réel si réduit qu'il crée du néant du fait de la réduction forcenée qu'il opère. C'est-à-dire que le nihilisme obtient le résultat inverse de ce qu'il promet et promeut : en guise de certitude, son opération de magie noire et de charlatanisme crée le maximum d'incertitude.
Sous prétexte de créer de la certitude on a crée de l'incertitude sur le mode : on obtient un maximum d'incertitude sous prétexte d'un maximum de certitude. La supercherie tient à l'opération qui garantit (certifie) : la certitude s'obtient au moyen de la réduction. Le maximum de certitude ici invoqué comme principe de précaution (plus ou moins similaire dans le raisonnement) consiste à accréditer un maximum d'incertitude pour valider un maximum de certitude. Dans les faits, cette opération irrationnelle et perverse aboutit à définir comme réel certain le réel le plus immédiat et fini alors que cette réduction libère la place à un réel indéfini et chaotique (l'espace dénié du néant).
Le nihilisme crée le déni de néant. C'est particulièrement ce qui se produit chez le saint de l'immanentisme Spinoza. Le nihilisme correspond de fait à un refus de dépasser l'immédiateté, soit à l'immédiateté posée comme réel. Le néanthéisme consiste à ajouter à la réponse transcendantaliste (au défi nihiliste premier) la question du néant. Comment concilier la question du néant au quelque chose? Comment concilier Leibniz et Spinoza, Platon et Aristote? Pas en imitant le compromis de facture nihiliste; en comprenant que le nihilisme de toutes les époques met sur la table la question du néant.
En comprenant que cette question du néant bouleverse la question ontologique classique, de facture transcendantaliste, en mettant en évidence les limites dépassées du transcendantalisme, en particulier son modèle d'englobement (Être/étants). On le remplace par le modèle d'enversion, qui considère que le néant est quelque chose (le néant n'est pas rien, assertion du nihilisme), mais qu'il n'englobe pas le réel. Au contraire, s'il l'englobait, on le connaîtrait. Le caractère inconnaissable de l'Être englobant indique son inexistence en tant que telle - et c'est de la sorte que le nihilisme immanentiste détruit le transcendantalisme et entend le remplacer.
Seuls des modèles posant que seule l'existence existe sont valables - c'est en ce sens qu'avec ses limites le transcendantalisme fonctionne en réponse au nihilisme. Le nihilisme ne saurait fonctionner car il pose qu'à côté du quelque chose coexiste rien, soit un modèle antagoniste. Le nihilisme prospère souterrainement et avec des compromis en pointant du doigt les limites (énoncées) du transcendantalisme. En gros, le nihilisme se targue d'être supérieur car il serait le seul à évoquer la question du néant.
L'ontologie classique dénie le néant et le nihilisme (qui est l'ontologie du déni) parle du néant de manière fausse. Reconnaissons au nihilisme son mérite : aborder la question du néant. Et donnons au néant l'inflexion qu'il mérite. Sa reconnaissance passe par sa définition dans le quelque chose. Si le néant est quelque chose, le nihilisme est caduc. Vive le néanthéisme!

dimanche 18 avril 2010

Il n'est que deux réels, des jumeaux complémentaires et imparfaits - pas des jumeaux identiques et parfaits. Le réel que nous connaissons est le sensible. Il est complété par le néant néanthéiste.
Ce réel possède d'innombrables inter-divisions et interconnections que nous prenons souvent pour d'autres mondes.
Contrairement à l'assertion platonicienne (héritage de conceptions africaines et égyptiennes), nous ne constituons pas la dernière strate d'un corps que nous nommons l'univers ou le réel. Nous appartenons à une certaine strate, mais l'emboîtement de ces strates est indéfini. Raison aussi de l'état d'esprit nihiliste : le sentiment de vanité de notre condition résulte du caractère indéfini de l'emboîtement et de la superposition des strates.
Au seul point de vue humain (représentation dans une certains strate), d'autres représentations inférieures comme les représentations animales peuvent présenter des types de représentation du réel qui ne prennent en compte que certains éléments parmi ceux à la disposition spécifique de l'homme. Si l'on considère certaines formes de vie éloignées de l'homme (à sa connaissance), comme celles de molécules, on se rend compte que :
1) l'homme est constitué de formes de vivants plus petites, dans une spirale indéfinie;
2) ces petites formes de vie ignorent des formes de vie qui leur sont trop supérieures, parce qu'elles ne disposent pas des moyens adéquats de se représenter le réel avec ces formes de vie.
Leur représentation du réel se trouve réduite et déformée. De ce fait, il est fort à parier (pour le répéter) que l'homme ignore à son tour des formes de vie supérieures et qu'il fasse partie d'autres corps (d'autres organismes), ainsi que le pensait Platon, à ceci près que cette structure d'emboîtement, à la manière des poupées russes, n'est pas ultime au-dessus du niveau de réalité ou de représentation de l'homme - mais qu'elle est indéfinie.
Il est tout autant à parier que l'homme réduise et déforme les formes de réel supérieures dont il en peut percevoir l'existence, au mois sous une forme adéquate. La disjonction entre les formes de vie inférieures à l'homme et l'homme lui-même se répercute à un niveau supérieur - l'homme ne se trouve pas en mesure de pénétrer l'existence de formes de vie supérieures qui ne sont pas constituées sur le même mode (de manière parallèle et linéaire) que les formes de vie du monde humain.
Le fait que la connaissance soit possible indique que la disjonction dans le réel est inférieure à la conjonction. Contrairement à la mentalité essoufflée et du nihilisme qui relativise dans la mesure où elle fragmente, la connaissance est possible de manière non relativiste (contrairement à ce qu'enseignait le sophiste Protagoras en particulier). Les parties hétérogènes sont toujours reliées entre elles; les phénomènes de différence et de disparité irrécusables sont englobés sous un principe d'union qui leur est supérieur de très loin.
Du coup, il n'est que deux types de réel : deux réels incomplets. Nuance d'importance. Il n'est un réel que dans l'ordre sensible. Mais il est deux réels. C'est le principe de l'enversion néanthéiste qui affine et renouvelle l'Un transcendantaliste en reprenant la théorie nihiliste tout en supprimant l'antagonisme sensible/néant et la définition du néant positif.
1) Le réel sensible se décline sous une indéfinité de formes interconnectées et parcellaires.
2) Le néant pur, qui est le divin et qui engendre du fait de son incomplétude (par nécessité d'incomplétude) le sensible complémentaire.
(Ce néant incomplet se distingue du tout au tout du néant pur de type nihiliste. Le néant nihiliste n'existe pas quand le néant néanthéiste existe et participe de cette existence si mystérieuse).
Cette dualité réduplique la disjonction en ce que les deux formes complémentaires de réel se distingue, mais pas sur un mode antagoniste et inversé - où chaque réel serait égal quoiqu'opposé. Sur un mode enversé et complémentaire où l'un ne peut être sans l'autre. Le réel sensible est toujours fini. Le réel néanthéisé est lui éternel. L'éternel étant incomplet, le fini lui est adjonction nécessaire. Nous avons affaire à deux formes de réel dont la distinction se traduit par l'existence de l'infini pur envers du fini multiple et indéfini. La représentation néanthéiste explique la coexistence de théories aussi diverses que parfois explicitement contraires (le réel un quoique double, le réel moniste et holiste, les univers parallèles, etc.).
L'important est de définir le réel et de ne pas opérer de distinctions abusives. Il y a distinction abusive quand on distingue ce qui est relié sans disjonction (comme les mondes finis et sensibles emboîtés de manière indéfinie). Il y a distinction quand on peut séparer deux domaines, comme le fini et l'infini. Peut-on estimer que les deux réels infini/fini se retrouvent reliés entre eux par leur incomplétude complémentaire? Leur unité tient à leur complémentarité, qui fait que la connaissance des mondes finis engendre la connaissance de l'infini (incomplet selon le néanthéisme).
De ce point de vue, il y a bel et bien unité générale. Mais il y a aussi disjonction dans le cadre de cette unité. L'unité tient à la présence, qui est générale, tant au sensible fini qu'au néant infini. La disjonction tient à l'expression de l'enversion complémentaire. Le complément de l'infini est le fini. Le lien entre l'infini et le fini n'obère en rien la disjonction fini/infini. Si la connaissance légitime l'unité, la disjonction explique la diffusion sur le mode de de la complémentarité (néanthéisme), non de l'antagonisme (nihilisme).
1) D'un côté, le réel est éternel et unique, comme le montre le lien entre le néant et le sensible et l'éternité du néant.
2) De l'autre côté, nous avons un sensible pluriel et fini, qui ne cesse de donner raison à la théorie pré-socratique et physique de l'Éternel Retour, selon laquelle les mondes finis se succèdent les uns aux autres de manière indéfinie (théorie soit dit en passant autrement plus sérieuse et fiable que la reprise nietzschéenne et psychologique sous la forme d'un test grotesque et diabolique).
La pluralité des mondes va de pair avec l'unicité du monde. Si l'on définit la pluralité des réels comme le fait que leur coexistence n'est pas possible, seuls deux réels sont envisageables. Dans l'ordre de l'ordonnation de nature sensible, la pluralité des mondes est réduite à l'unicité du réel sensible incomplet du fait que tous les mondes s'interpénètrent, s'enchevêtrent et s'imbriquent, à la manière des poupées russes. La dualité du réel s'explique par son incomplétude. Si l'on peut ramener le sensible à l'unicité d'un réel, il importe de considérer que cette unicité allant de pair avec son incomplétude, elle n'est possible qu'avec l'adjonction logique non d'un englobant enfin complet et parfait (selon la thèse transcendantaliste), mais d'un complément inférieur et un, le néant néanthéiste, soit le néant qui n'est pas néant positif mais qui est quelque chose, quelque chose de chaotique, d'indivisible et d'existant à l'état lui aussi d'incomplétude.
La dualité du réel est au final le plus pertinent modèle du réel, mais une dualité qui n'est ni englobante, ni antagoniste (sur le modèle nihiliste). C'est une dualité complémentaire, sur le modèle de l'enversion.

samedi 17 avril 2010

Si l'on examine les modalités du changement, le rien renvoie à la chose. Une chose informelle, réduite - une chose. Le néant est quelque chose. Quelque chose - d'informel : quelque chose à l'état d'incomplétude pure. Quelque chose sans ordonnancement. Quelque chose qui a du fond sans forme. Si le rien renvoie à quelque chose, la première leçon du transcendantalisme comme de l'ontologie, c'est que le néant pur (positif) n'existe pas. L'absence pure n'existe pas. Le langage ne parvient d'ailleurs pas à exprimer le néant sans l'associer de manière antithétique à l'existence, soit au quelque chose!
Non seulement le nihilisme repose sur l'erreur fondamentale la plus obvie, et l'on comprend l'opposition stricte du transcendantalisme (dont la colère mémorable de Platon contre les sophistes ou Démocrite), mais encore le changement implique que l'on passe de quelque chose à autre chose, soit qu'une évolution se produise dans l'ordonnancement. Du coup, outre le processus de diminution qualitative (au niveau du néant incomplet et néanthéiste), la dynamique de destruction apparaît comme la condition au changement. Détruisez, il en restera toujours quelque chose. Le Christ ne dit-il pas : détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai?
La destruction est la condition sine qua non à la construction. Quand on construit, on crée. L'acte de création renvoie à l'action d'instaurer quelque chose à partir de rien. Bien entendu, on peut estimer que le néant provient du rien pur - que Dieu opère un acte quasi magique de création à partir de rien. Si l'on affronte l'interrogation leibnizienne (pourquoi quelque chose plutôt que rien?), on en arrive à l'idée que le rien est toujours quelque chose. Créer à partir de rien, c'est ordonner quelque chose d'informel, donner au chaos forme. Une forme.
La destruction est l'opération préalable qui engendre la création. Le rituel du sacrifice instaure la pratique, avec l'idée que l'on brûle (plus largement que l'on détruit) pour permettre la création à partir de l'informel. Pour que la forme revienne, encore convient-il de détruire préalablement. Encore convient-il de préciser que l'acte de destruction ainsi compris n'est pas la destruction cataclysmique synonyme de disparition. Il n'est pas question d'appeler à la fin du monde, ou à la fin de l'homme (dans un sens littéral plus que philosophique), mais à la fin d'un monde, soit à une disparition comprise dans les bornes du monde de l'homme et ne touchant en aucun cas à l'intégrité de l'homme lui-même (encore moins du monde comprenant le monde de l'homme présent).
Il convient de distinguer entre la destruction totale, qui englobe l'ensemble du monde de l'homme, et la destruction partielle, interne au nom de de l'homme. Quand l'homme recourt à la destruction pour construire, il utilise deux repères :
1) il détruit en proportion de ce qu'il veut (re)construire;
2) il détruit généralement ce qu'il aime en fonction de ce qui le concerne.
L'esprit du sacrifice est présent dans la destruction. Le sacrifice antique permettait de changer le cours du réel au profit du sacrificateur. L'abolition du sacrifice dans le monothéisme indique que le monothéisme estime que le changement est constitutif du divin (le divin est l'autre), voire que le monothéisme n'a pas besoin de changement extérieur à sa propre forme.
Raison pour laquelle les grands changements s'opèrent suite à de grandes violences, des destructions, des révolutions, des bouleversements : pour changer, encore convient-il de commencer par - détruire. Avec une précision d'importance : le changement que suppose la destruction n'est jamais un changement favorable à l'ordre en place. En détruisant l'ordre en place, on favorise l'avènement d'un autre ordre - pas le maintien de cet ordre. C'est l'esprit du sacrifice qui prétend moins changer que d'empêcher le bouleversement de l'ordre contenu dans le changement. Changer en conservant les données.
La destruction est l'opération première du changement. La deuxième condition est que l'esprit du changement implique la mutation de l'ordre, voire son remplacement. Plus la destruction est importante, plus le changement s'annonce important. Mais la destruction n'est-elle pas que l'opération négative du changement - impliquant l'opération positive de construction ou de reconstruction? Au risque de jouer du paradoxe, j'oserai que le positif est plus contenu dans l'opération de destruction que le négatif.
Je veux dire : le négatif n'implique pas le passage au positif et ne propose rien d'autre que son œuvre négative. Destruction totale. Toute destruction partielle est déjà positive ou constructive. De la destruction pour de la destruction : une entreprise négative de destruction ne provoquerait pas la construction. Elle se résumerait à une destruction d'ordre cataclysmique. Le fait que la destruction accouche de la construction indique que c'est une destruction qui est opérée dans le but de permettre (relancer) la construction à venir.
La destruction sert le changement sans quoi elle se limiterait au spectacle désolant de la fin du monde. Le changement est le passage d'un monde à un autre (dans un sens proche de l'Éternel Retour d'ordre physique propagé par les pré-socratiques). Le changement est spécificité humaine : les autres espèces animales ne changent pas. Elles ne sont pas capables de changer, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas capables d'intégrer un principe extérieur qui modifie leur ordre donné. L'homme change car il est capable d'intégrer des principes extérieurs, en reconnaissant que son monde n'est pas l'intégralité du réel.
L'opération de destruction s'intègre dans ce processus d'échange au sens qu'il sert le changement. On commence par désintégrer pour mieux intégrer. La destruction appartient à l'opération d'ensemble du changement, dont elle constitue une sorte de propédeutique. Pas de changement sans destruction. La destruction avec changement diffère du tout au tout de la destruction sans changement (définitive). L'on ne détruit pour changer que par rapport au changement. Tout se passe comme si les conditions du changement n'étaient pas calculées ou pensées par des hommes, mais que le changement se produisait en fonction d'intérêts qui proviennent du réel.
Le changement nous confronte à la problématique du divin. Le changement, c'est le divin. La destruction appartient à ce plan d'ensemble. Comme elle n'est pas calculée par l'homme, la destruction du milieu de l'homme indique l'importance et l'ampleur des changements. Plus la destruction est importante, plus le changement s'annonce considérable. Quelle est la loi de destruction qui explique que la destruction soit un paramètre régissant l'homme tout en lui échappant? Cette destruction est fonction de la fixité ou de la stabilité accordée par l'ordre humain à lui-même.
Plus l'homme d'un ordre estime son ordre immuable, plus il fonde un ordre destiné à être détruit et à connaître un changement important. C'est ainsi que notre ordre a tellement sombré dans la démesure, soit dans la fixité et l'adhésion à son caractère immuable, qu'il s'est constitué dans en forme de puissance babellienne et que le changement qui est à notre porte s'avère de la plus haute importance. Sans doute sommes-nous confrontés au plus grand changement de l'histoire humaine. Sans doute la destruction sera-t-elle cette fois la plus importante puisque la destruction préfigure au changement et appartient à son processus. Plus on refuse le changement, plus on le prépare. Loi de la destruction positive.

mardi 23 mars 2010

La mort néanthéiste nous confronte à l'incomplétude de tout ordre doublé de l'incomplétude fondamentale de Dieu. Contrairement à ce qu'estime une nouvelle recherche scientifique soudain investie des pouvoirs de la science-fiction fantasmatique, nous ne nous situons pas dans un dédale d'univers parallèles superposés et/ou coexistants, qui constitueraient le tout présent (simultané) du réel. Au contraire, nous vivons dans un ordre qui est présentement le tout de notre expérience et qui ne se déroule pas en même temps que la myriade infinie et indéfinie des autres ordres. L'incomplétude suppose que l'ordre incomplet donné soit le seul ordre donné en même temps que l'incomplétude viscérale du néant que nous appelons divin et qui ne cesse d'exister par-delà les nécessaires ordonnations. Quant aux autres ordres, ils existent en nombre infini. Mais pas en coexistence. Les uns indépendamment des autres - à la suite les uns des autres, pour s'exprimer en termes de temps. Nous passons d'un ordre à un autre. C'est le principe de la réincarnation. La réincarnation néanthéiste ne se déroule pas dans le même monde ou dans le monde unique. Elle intervient dans le déroulement infini et non superposable des ordres/mondes. On passe d'un monde à un autre, indéfiniment. C'est le principe de l'éternité. L'éternité est le couplage de l'ordonnation finie et incessante avec l'existence incomplète et éternelle d'un ordre de néant pur, le divin. La seule coexistence se déroule entre cet ordre unique quoique appelé à toujours changer et ce néant toujours incomplet. C'est l'état auquel correspond la simultanéité de l'éternité chère aux théologiens chrétiens.

lundi 8 mars 2010

Qu'est-ce qu'une identité? Une identité se forme quand on peut opposer un intérieur et un extérieur.
L'opposition se traduit par la différence de nature entre cette limite qui forme le groupe. Qu'est-ce qui soude un groupe? Le groupe est un corps ou une volonté générale. La force supérieure de la volonté générale sur la volonté individuelle indique la différence entre l'individu et le groupe : l'homme en groupe présente plus de capacité de pérennité et de solidité que l'individu - seul. Sur sa planète, qu'il est appelé à quitter s'il veut subsister, l'homme est le plus fort des animaux en tant que groupe. C'est sa faculté à proposer une volonté de type général qui lui confère sa supériorité. Seul, il ne serait qu'un pantin vite disparu. La supériorité de l'homme sur les autres animaux vient de sa faculté à se mouvoir dans un type de réel qui n'est pas fixe, mais qui est dynamique. Soit l'homme croît; soit il décroît. Dans la notion de groupe, cette supériorité se traduit par une faculté à associer à un territoire circonscrit et donné une certaine idée, une certaine conception.
L'identité naît de cette faculté à se réclamer plus d'une idée que d'un lieu tout en combinant l'idée au lieu, au point que le lieu désigne l'idée et que la représentation d'un peuple concorde avec une certaine représentation idéelle. L'identité collective crée un fondement supérieur à l'identité singulière en ce que l'identité singulière s'en tient à l'identité sociale et que cette identité sociale s'ancre sur le physique. L'identité individuelle s'ancre sur l'immédiateté physique comme l'identité du groupe s'ancrerait sur le territoire géographique donné. Dans les deux cas, nous nous mouvons dans une approche statique et finie du fondement identitaire.
L'identité individuelle est tronquée : elle ne possède pas d'extériorité. Elle est centrée sur son intériorité. Cette identité individuelle débouche sur des mésalliances de groupes, dont le fondement demeure quoi qu'il arrive l'individu. Ce sont les factions, soit des regroupements non réussis où l'addition des volontés singulières ne débouche en aucun cas sur l'édification d'un groupe, soit d'une volonté générale. Le groupe ne peut se constituer qu'avec une extériorité qui soit perçue comme étrangère.
Sans cette tension entre l'intérieur et l'extérieur, le groupe ne se forme pas. L'intérieur pur débouche sur la staticité de l'impérialisme, soit sur des factions qui s'opposent à la constitution (dans tous les sens du terme) d'un groupe/d'une volonté générale. Telle est l'idée qui constitue le groupe : une idée n'est pas un objet défini, statique et délimité. C'est une dynamique qui pousse vers l'extérieur. Si l'impérialisme des factions débouche sur l'individualisme et sur une limite infranchissable, qui est le monde de l'indépassable, la dynamique du groupe pousse l'homme à ne jamais s'en tenir à une certaine limite.
Le groupe croît toujours. Les limites sont faites pour être dépassées. Considérer qu'une limite est indépassable est une approche fausse, statique, impérialiste. Cette évolution physique va de pair avec une théorisation proportionnelle à l'accroissement physique. L'idée qui croît en importance devient plus importante que le territoire. Le polythéiste est regroupé en groupes tribaux. L'homme monothéiste croît vers l'idée de nation, qui associe le territoire à une certaine idée.
La croissance (plus idéelle que physique) s'oriente vers la mondialisation. L'étape suivante du groupe est orientée vers l'espace. Le salut de l'espèce. La prochaine évolution du groupe accroîtra encore la part de l'idée par rapport au territoire. L'unité de territoire sera la planète, étant entendu que le but est de coloniser l'espace. Plus le groupe évolue, plus l'idée s'impose sur le territoire. La constitution de l'État-nation sanctionne cette évolution qui veut que la prochaine étape regroupe les territoires sous l'idée d'homme. On sera passé d'une conception initiale tribaliste où l'homme est l'étrange étranger s'il n'est pas compris dans la limite tribale à une conception où tous les hommes sont intégrés dans la dimension identitaire.
Dans les conceptions précédentes au groupe planétaire, l'extérieur correspond à l'humain. Dans la conception du groupe planétaire, l'extérieur correspond au non humain. L'étranger est le non humain. Le non humain est intégré au domaine de l'identité. Pour que l'homme évolue, il doit s'appuyer sur une conception religieuse qui lui indique un domaine fini qu'il puisse conquérir. Le religieux énonce le champ de ce fini à conquérir et y ajoute un horizon supérieur qui correspond à l'infini.
Reste que l'identité ne se manifeste jamais par rapport à l'intériorité, mais par rapport à l'extériorité. L'intériorité exclusive (pure) traduit une détérioration de l'identité qui n'est plus une identité collective (comprise sous le terme de volonté générale) et qui est une identité incomplète. L'intérorité exclusive met à mal la conception nécessairement imparfaite et incomplète de l'identité. Pour les immanentistes, l'identité comme le désir sont complets. C'est bien entendu faux et ils sont incapables de démontrer leur mensonge assumé, voire assuré.
L'incomplétude de l'identité implique que l'identité tende vers le changement, soit vers l'accroissement (pour qui est mû par l'instinct de conservation, la décroissance exprimant l'instinct de mort). L'incomplétude identitaire (l'incomplétude de la partie) se compense par la notion de croissance. Raison pour laquelle le nihilisme exploite la carence sémantique pour légitimer ses erreurs : complétude de l'identité fondée sur le désir ou stabilité oscillant selon les époques avec la décroissance plus ou moins assumée.
L'identité est mise à mal par le refus d'extériorité, qui légitime la domination sur l'espace clos, fini et figé; l'incomplétude est légitimée par sa nécessité travestie et par l'impossibilité (catégorie nihiliste) du changement. Au final, l'identité tronquée et lacunaire n'est pas tant une identité incomplète (ce que l'identité est dans tous les cas) qu'une identité figée, sclérosée et impossible. Une identité qui parce qu'elle est figée se commue en besoin d'irresponsabilité, soit de sans cesse refuser d'assumer son identité en démultipliant les identités lacunaires et nihilistes.
Identités non identifiées? Contre l'identité parcellaire et manquée de l'intériorité, l'identité orientée vers l'extérieur est l'identité qui permet de préserver le mode de fonctionnement spécifique de l'homme, selon lequel le réel est infini et le réel fini constitue un mythe aussi pernicieux que fallacieux.