lundi 24 décembre 2012

Le schéma de l'enversion diffère de la théorie de la réincarnation, dont la transmigration des âmes est une transplantation pythagoricienne, sans doute influencée par le modèle hindoue. L'enversion pose la croissance de ce qui revient, non le maintien de ce qui demeure. D'une part, l'enversion explique la différence, alors que l'immanentisme se borne à la constater; d'autre part, l'enversion explique la croissance et le changement, alors que l'on voit mal comment l'on pourrait indéfiniment rester dans un cercle et conserver un schéma pérenne. 

lundi 17 décembre 2012

Nietzsche s'est trompé en pariant sur le nihilisme. Il essaye de distinguer le nihilisme réactif du nihilisme divin, rejette le réactif et promeut le divin, dont il serait le codificateur révolutionnaire - à ceci près qu'il n'apportera jamais de précisions fondant la positivité - définissant la spécificité du nihilisme divin. L'échec est ironiquement nihiliste. Le propre du nihilisme est de tenir le négatif pour la fin du réel, tandis que le transcendantalisme répond que la fin du réel est l'être. La queute du nihilisme est condamnée à la négativité, soit la pérennisation impossible. A ce compte, la quête de Nietzsche ne peut que verser dans la folie.
L'art comme fin révèle sa contradiction : s'il porte en lui le symbolisme, comment serait-il fin rationnelle? Hegel propose sa réforme de l'art-idée, qui porterait le concept et servirait la philosophie. Mais l'art-idée est contradictoire, tout comme l'art-fin. Rien d'étonnant à ce que les expressions contemporaines expriment la crise de démarche. L'art passe à côté de sa fin (le symbolisme). Sa visée contradictoire le rend inutile. S'il est dans le symbolisme, il ne poursuit pas l'idée comme fin; s'il la poursuit, il égare sa structure symboliste.
L'art égaré se met à défendre des conceptions dégénérées, qui avouent leur perte de sens. Le problème tient au basculement du rationalisme vers l'irrationalisme. Auparavant, l'art servait le sens religieux; désormais, l'art-fin se veut complet. Il est significatif que la crise survienne au moment où triomphe l'alternative illusoire de complétude. L'irrationalisme implicite, sous-jacent, voire dénié, est connexe de la complétude finaliste : pour clore un objet, le seul moyen de réussite revient à entourer le domaine en question - de néant.
Hegel l'avait pressenti : l'expression qui clôt le réel est la philosophie. Dans cette optique, elle réhabilité le nihilisme. L'art tend à servir l'idée, ce qui dénature l'art et le rend absurde - au moins superfétatoire par rapport à la philosophie. Le néanthéisme défend l'idée selon laquelle le réel n'est pas limité au fini. Ce qui est fini est irrationnel. L'art sert le religieux - ou dégénère. La différence est que l'expression religieuse dans le néanthéisme devient la philosophie, non au sens positiviste qui rendrait les faits fondements du réel, mais de la transformation du religieux en expression rationaliste au service de la connaissance exponentielle.
Le prophétisme indiquait que l'homme ne peut prendre en charge le religieux : il faut qu'il émane du point de vue supérieur (transcendant). Le néanthéisme entérine le progrès de la connaissance : l'homme prend en charge le religieux et se montre capable de l'exprimer. Le rationalisme humain fait un avec le rationalisme divin. La réconciliation de l'homme et du réel se manifeste par la conquête spatiale apprivoisée.
Physiquement, l'abolition de la frontière correspond à la totalité de l'espace. Elle tranche avec le modèle transcendantaliste, dans lequel il faut une limite (arbitraire) entre l'extérieur étranger et l'intérieur identifié. C'est la Terre. Dans l'espace à conquérir, la différence intérieur/extérieur saute et l'homogénéisation de l'espace fait apparaître son problème : l'homogène rend indéchiffrable l'infini et étranger l'extérieur. L'homogène ne peut être infini. Pour comprendre l'infini, il faut en transformer le sens - le problème est mal posé. Tout comme l'art, la philosophie change de statut.
Elle affronte le réel comme totalité. Le prophétisme fait descendre la révélation. L'irrationalisme se révèle à mesure qu'il accompagne le changement religieux. La philosophie exprime le changement de discours : le passage du transcendantalisme au néanthéisme entérine l'évolution de la philosophie comme recherche de la limite au-delà de l'espace total. S'opposant au factualisme, le néanthéisme recherche la limite derrière l'espace et propose sa conception à la place de l'infini.
La philosophie sert l'expression de cette quête, à condition de préciser qu'elle trouve son sens religieux alors qu'elle tâtonnait : l'ontologie restait inféodée au monothéisme, sorte de forme élitiste qu'incarne le platonisme et qui depuis lors peinait à se régénérer. La métaphysique propose au contraire un discours de déni, de religieux anti-religieux, dans lequel le rationnel exprime le réel en tant que fini. C'est contre le rationalisme fini que s'érige le néanthéisme.
La métaphysique avait abouti en fin de course au positivisme factualiste (parmi ses multiples formes terminales). Le néanthéisme s'exprime au moment où la métaphysique disparaît. Le rationalisme défendu défend la possibilité de la connaissance, qui porte sur le réel dans son ensemble et qui intègre l'infini. La philosophie devient religieuse au moment où elle permet de comprendre le réel - quand dans la métaphysique elle se borne à connaître la partie finie, considérée comme la seule part connaissable du réel.