lundi 26 septembre 2011

Le nihilisme exprime l'hétérogène dénié, soit l'homogène tronqueur. Le déni signifie la réduction de ce qu'on ne comprend pas à la catégorie claire et simpliste de l'homogène - en tant que l'homogène est compris.
Dieu est le réalisateur de la croissance. Pour croître, il faut croire.

mardi 13 septembre 2011

Le nihilisme se trouve mû par le principe de réalité maximale (réalisme en ce sens), au sens où il érige une définition maximale et condensée du réel en suivant le principe de la définition - qui est la délimitation ou la finitude. C'est selon cette réalité maximale finie que le nihilisme trouve de l'attrait et du crédit auprès des savants, en particulier des scientifiques : le plus du nihilisme consiste à proposer un espace plus dense en réel qui équivaudrait à son expression archétypale et paroxystique - alors que l'idéalisme platonicien, emblème de l'ontologie antique, dissout le principe de réalité dans l'Etre indéfinissable. C'est l'avantage du nihilisme (notamment sa supériorité pratique en sciences) : l'illusion de réalité et de réalisme qu'il procure.
Le nihilisme se réclame du principe de réalité par l'état fixe et fini qu'il crée, mais cet état, cette définition de la réalité, l'illusion qu'il exprime mieux le réel que l'ontologie par les résultats scientifiques efficaces qu'il produit, ne doivent pas faire oublier que cette réalité dense créée et vantée s'obtient en contrepartie du non-être environnant et majoritaire. La création du néant au sens de non-être est entièrement négative et suinte la farce dans l'effort de réflexion : le non-être renvoie plus qu'à l'indéfinissable, au commode et opportun moyen de créer quelque chose en détruisant en contrepartie ce que l'on vient de créer. Définition du rien : la destruction. Du coup, la question du réel est définie en résolvant la question de la totalité impossible (la complétude du même tonneau) par la poubelle du non-être...
Le principe de réalité cher aux nihilistes repose sur la création antagoniste et indéfinie du non-être, tel qu'il apparaît dans cette appellation intégralement négative de non-être. La structure du réel n'est pas objectivable, mais définissable - au sens où il faut échapper à la définition selon la chose pour passer à la définition selon le reflet (la définition selon la dynamique). Le principe de réalité maximale dissout la réalité maximale fixe dans le non-être, alors qu'il accusait précisément l'idéalisme ontologique de perpétrer la dissolution du sensible dans l'Etre. Le nihilisme sent que la texture du réel n'est pas homogène, mais il répond à cette intuition riche par deux erreurs magistrales :
1) l'antagonisme qui détruit le réel au lieu de l'expliquer de manière constructive;
2) le non-être qui est un pot-pourri de tous les problèmes que pose la définition restrictive et fausse du donné fixe et réifié.
Le nihilisme accroît les problèmes plus qu'il ne les résout. De ce fait :
- la définition du réel en antagonisme est fausse;
- la définition du réel en fixisme/immobilisme est fausse;
- la définition du réel en finitude est fausse.
La définition du réel n'est possible qu'en intégrant l'infini par le décalage et la différence : l'hétérogénéité de la matière réel. La fascination délirante pour le nihilisme provient du fait que le nihilisme propose une définition simple et concrète (maximale en ce sens) du réel, isole le réel, délimite le réel. L'attrait du nihilisme se fonde sur l'obtention d'un quelque chose partiel. Le nihilisme séduit parce qu'il propose quelque chose partiel, même limité et peu étendu. Mieux vaut quelque chose que rien. Cette manière de raisonner repose sur la réduction (typiquement nihiliste) au sens où le principe de réalité maximale s'obtient grâce à l'incomplétude et la partiellité.
Le maximal est en fait le lacunaire, l'inachevé, le manquant. L'obtention d'un réel maximal par le fixisme partiel signifie que la structure du réel ne s'ordonne pas autour du fini et du fixe et que ce recours illusoire à la définition facile et simpliste produit du non-être au sens où ce qui n'est pas de l'être émarge dans la catégorie de ce qui existe en n'étant pas - défini. La définition fixe de ce qui est définit l'être comme le fini et admet du coup que cette définition parcellaire manque la partie du réel majoritaire désignée sous le terme impropre et déficient de non-être, soit que le réel n'est pas réductible au fini/fixe.
La production de non-être ne traduit pas seulement à quel point la définition fixe et fini se révèle impropre et déficiente (lacunaire et inachevée). Elle montre que le réel ne s'ordonne pas autour de l'immobilité et du fini, mais que sa caractéristique est au contraire de produire le réel à partir du fini et d fixe. C'est cette production que le raisonnement nihiliste désigne sous le terme de non-être et qu'il se montre incapable de reconnaître. Le nihilisme prend la partie pour le tout au sens où l'état devient le réel.
Le nihilisme n'est pas capable d'admettre que le réel se déploie sur un plan d'hétérogénéité duel qui est positive. Le nihilisme reconnaîtrait certes que le réel est différent, mais au sens d'antagonisme : le positif de l'être s'oppose au négatif du non-être. Le problème du nihilisme tient dans sa compréhension du positif : pour lui le positif est le statique, le fixe, l'immobile. Or l'immobile crée la partialité au sens du partiel. La complétude est comprise comme l'immobile. Pourquoi l'immobile est-il le partiel?
Parce que le propre du réel est de suivre la dynamique de l'enversion. La dynamique homogène telle qu'elle se trouve diagnostiquée par le transcendantalisme est fasse. Le nihilisme a affirmé l'hétérogénéité antagoniste; par réaction et pour conjurer le péril de la destruction (le non-être), le transcendantalisme oppose à l'antagonisme l'homogénéité. L'homogénéité parvient à prolonger le réel positif et à le compléter avec du quelque chose contrairement au nihilisme, parce que l'on propose qu'une dynamique transcende la contradiction.
La faiblesse du transcendantalisme tient dans la qualité de l'homogénéité qui demeure assez confuse, voire indéfinissable (Heidegger en fin de course métaphysique ne parviendra jamais à la définition de l'Etre, fourvoyé dans son option métaphysique terminale et définitive). La difficulté tient au fait que le réel doit surmonter la contradiction (le transcendantalisme implique cette compréhension), tout en parvenant à définir ce qui surmonte la contradiction.
La contradiction en tant que telle est finie, mais ce qui produit le dépassement de la contradiction ne peut qu'être infini. La définition s'attache à caractériser ce qui est fini. D'où le problème : ce qui est définissable n'est pas le réel, mais la réduction du réel au fini. Et ce qui est fini n'est pas le réel en intégralité, mais une partie du réel, au sens où le réel n'est pas stable et homogène, mais hétérogène et surtout que sa structure dynamique se produit en enversion, par en prolongement/englobement. Le non-être désigne de manière imparfaite et faussée le reflet.
La négativité du non-être indique une imperfection dans la définition, alors que le reflet est une valeur positive. Le reflet est l'infini qui assure la jonction entre les deux états (l'être et le non-être); le non-être ne parvient à définir cette jonction (ce lien) entre les deux états et ne retient qu'eux. Elle serait une déformation et une dégénérescence de la conception cherchant à expliquer l'infini dans le quelque chose si elle n'était première et si elle ne trahissait plutôt l'égarement au moins passager (quoique perdurant) que l'homme entretient en accordant sa confiance aux sens.
La représentation partielle du réel provient de la volonté de complétude. La complétude est une arnaque qui fige le réel. Le principe de réalité cher au nihilisme débouche sur la négation du réel, comme le réalisme maximal que cette position entend défendre aboutit au minimalisme réducteur et passablement ridicule. Vouloir tout dire en ne le disant qu'en partie signifie simplement que l'on commet une erreur monumentale, même s'il s'agit d'une erreur partielle et non d'une erreur totale. Le nihilisme ne manque pas l'ensemble du réel, une bonne part de sa critique est fondée, ce qui explique sa longévité au fil des époques et des cultures.
On peut davantage parler d'erreur partielle que de vérité partielle parce que l'aspect partielle repose quand même sur une déviation fondamentale : l'explication par le non-être de l'inobservance du reflet (de l'infini). Autant dire que la pertinence du nihilisme (l'Etre est critiqué au nom du non-être) va de pair avec la pire des impérities et l'expression caractérisée de la bêtise : ne retenir du réel que le fini et le fixe.
Quant à la question fondamentale, elle devrait davantage s'occuper et s'intéresser de la méthode à suivre pour que le langage qui définit de manière finie puisse aussi définir l'infini. Le nihilisme ne retient du réel que ce qui est fini, c'est-à-dire qu'il postule que le langage ne peut dire l'infini. Wittgenstein le répétera après Gorgias : même si l'Etre existait, on ne peut le signifier. L'Etre pourrait se trouver remplacé à bon droit par l'infini. Pour contredire cette vision, il s'agit d'aller au-delà de la théologie négative et au-delà du platonisme qui considère que c'est par des méthodes pratiques et pragmatiques que l'on peut établir l'Etre théoriquement indéfini (et indéfinissable) : la dialectique toujours ouverte, la liberté ou le religieux.
La théologie ajouterait à cette liste partielle les révélations et les prophéties, soit tout cet aspect du religieux qui renvoie à des phénomènes surnaturels et supérieurs à ce que la raison humaine (sensible) peut concevoir (ce qui ne veut pas dire que la raison soit l'apanage de l'homme engoncé dans le sensible, mais qu'il existe une jonction entre la raison sensible et la raison divine). Les néo-platoniciens et les Pères de l'Eglise se sont risqués à imaginer un néant/Un supérieur à l'Etre, mais ce faisant ils donnent des arguments aux négativistes, puisqu'ils ne définissent pas ce Néant et qu'ils prennent même le risque de le différencier du non-être inférieur de la matière.
Dans le sillage des chrétiens autour de Saint-Jean, on peut affirmer de manière assez mystique (dans un sens noble) qu'au départ était le Verbe et relier ce Verbe johannique au Logos platonicien. Mais force aussi est de constater qu'une fois encore sur des fondements et des principes, le monothéisme au sens large (regroupant le religieux et l'ontologie) sont incapables de prouver ce qu'ils avancent, tout du moins d'un point de vue théorique, puisque les rationalistes avancent non sans faiblesse des preuves pratiques et que les religieux se réclament de miracles contestables, voire invérifiables.
Il convient de dépasser le pragmatisme pour parvenir au théorique dans la définition de l'infini. Il n'est pas possible d'envisager ce progrès dans le cadre monothéiste/ontologique. Comment dire l'Etre alors que l'Etre n'est pas définissable? C'est que la définition par prolongement ne fonctionne pas et que ce qui est ne peut pas non plus être ce qui Est (d'une manière essentielle et absolue, sans qu'on sache bien à quoi recourent ces termes, sauf à rappeler que par l'expérience l'infini existe). L'enversion dans le néanthéisme poursuit sur la lancée du quelque chose universel et intégral, mais considère que le réel n'est pas homogène. Il est hétérogène et se produit selon l'enversion.
Dire selon l'enversion signifie que l'on se délivre du problème de la tautologie consistant à répéter que ce qui est est, avec un prolongement tautologique qui aurait une portée aussi absurde que mystique (cette fois dans un sens confus et illuminé). C'est autour de la catégorie de l'interprétation que se noue le problème de la manière de dire l'infini. Le langage pourrait se subdiviser en deux grandes catégories : il dit les faits et il interprète. Les faits rapportent le langage à l'être fini et à la problématique nihiliste; mais l'interprétation montre la limite de cette position et le fait que le nihilisme est (justement) une interprétation fausse, réductrice et bornée. Sans quoi l'interprétation n'existerai pas et le langage se limiterait au factualisme précis et rigoureux.
Tandis que l'interprétation oblige à considérer que la position du nihilisme au sens large est fausse, puisqu'il existe à côté d'elle un langage qui considère que l'on ne peut dire sans interpréter, soit sans dépasser le stade du fini et de l'être statique. L'interprétation recoupe le reflet plus que l'Etre au sens où elle diffère du factualisme et qu'elle ne le prolonge pas. Comment se fait-il que le fait soit irréfutable tandis que l'interprétation est discutable? Dans la conception transcendantaliste (au sens d'un Platon), la discutabilité de l'interprétation, son flottement antifigé si l'on peut dire, demeure assez peu accessible, puisqu'elle fait appel au fait que l'Etre pour ainsi dire fixé serait si inexplicable que le flottement interprétatif du sens serait une expression flirtant dangereusement avec l'irrationalisme.
L'interprétation n'est flottante et insaisissable que parce qu'elle instaure la dynamique du reflet, le va-et-vient, et qu'elle exprime le principe de réalisation (plus que de réalité) s'incarnant dans le langage. La thématique johannique du langage relié au divin et faisant le réel, y compris le plus concret (le Verbe se faisant chair), signifie que le langage a une fonction qui n'est pas seulement propédeutique à l'action ou secondaire par rapport à l'action. Au contraire, le langage en disant exprime plus que l'action, puisqu'il s'adresse aussi par-delà le temps au reflet et à Dieu, soit à ce qui instaure et institue le temps et qui n'est pas circonscrit seulement dans le temps à l'instant.
La spécificité de l'interprétation, la création, est plus aisément accessible avec la dimension du reflet, qui appréhende l'Etre dans sa clé de voûte dynamique, au lieu de faire de la dynamique un succédané et une conséquence de l'Etre fondamental et indéfini. L'interprétation créatrice est l'expression du va-et-vient, soit l'idée que le langage peut saisir l'infini dans sa spécificité structurelle et ontologique.
Dieu en tant que reflet : Dieu réalise par le reflet - en créant le reflet, Dieu est l'accroisseur, l'augmentateur, le définisseur, l'inspirateur. En langage physique, c'est une force (comme l'a bien vu Leibniz); en langage néanthéiste, c'est une croissance.