vendredi 30 août 2013

Nous avons tendance à dissocier notre monde fini d’un hypothétique monde infini, que nous avons du mal à localiser, et qui serait lui le lieu de notre béatitude et de notre réalisation parfaite. Mais il serait plus juste de relier les deux mondes, de nous dire que ce que nous vivons est en relation étroite avec ce qui lui manque. Il n’y a pas lieu de décréter que tout le réel est ici et maintenant, alors que tout indique que le fini exprime la réalité manquante. Le fini serait relié à une autre dimension de la réalité, qui viendrait le compléter. Mais alors :
1) il faut que les deux facettes soient finies et que l’infini n’existe pas;
2) pourquoi ne pouvons-nous contacter depuis notre existence ce complément? 
Parce qu’il est inaccessible en ligne directe, parce qu’il existe sous la forme de la distorsion, en enversion. De ce fait, la mort est la limite qui n’est pas compréhensible depuis notre point de vue, parce que l’événement sanctionne la nécessaire fin de l’existence finie, tout en étant connecté avec un autre point de vue qui se tient en distorsion et qui de ce fait ne peut être appréhendé. Ce que nous tenons pour mystérieux et inexplicable s’explique par le mécanisme de l’enversion. L’éternité qui est la grande révélation des religions tiendrait à cette alliance des deux compléments structurés en distorsion. Il n’existe pas d’éternité au sens d’un état qui existerait indépendamment de l’existence et qui serait parfait. Cet état serait inexplicable : comment expliquer que l’éternité existe indépendamment du fini? On peut expliquer l’existence d’autre chose par l’incomplétude de l’existence. L’autre état ne peut qu’être l’initial, puisque notre existence vient surmonter le principe de contradiction. L’existence en tant que principe de non-contradiction ne constitue pas la résolution de la contradiction originelle. Elle n’est que la tentative constamment renouvelée pour conférer une tentative de résolution à la contradiction. 
Dans cette dialectique en enversion, qui rompt avec la dialectique classique (platonicienne ou hégélienne), la contradiction pure ne serait pas à caractériser par de l’existence, puisque l’existence qu’elle crée provient de sa résolution nécessaire : la contradiction ne peut engendrer d’autodestruction. Mais l’existence créée peut-elle cesser d’exister? Ce qui a été peut-il ne plus être? Dans ce cas, où l’être devenu obsolète serait-il - passé? Cette question dévoile la contradiction autant qu’elle rappelle la première règle du réel : tout ce qui est existe sous quelque façon; avec cette seconde constante : tout ce qui est dicible est possible. La création d’existence implique que ce qui a existé existe encore sous quelque manière, non seulement dans son influence sur l’existence présente, mais aussi dans la nécessité de sa persistance. Seulement cette persistance s’opposerait à l’éternité en ce que l’éternité implique l’infini (terme négatif, non défini) parfait et complet (état de félicité absolu et définitif), tandis que le schéma de l’enversion tend à dénier l’existence de l’éternité au nom de l’incompréhension de la réalité qu’elle désigne et qui signifie que le réel oscille entre deux mécanismes : la contradiction et la non-contradiction, qui est le domaine de l’être. Les deux sont finis, ce qui induit que leur addition n’engendre l'éternité. Cette dialectique de l’enversion crée un troisième terme, le côté de l’être, qui tendrait vers l’infini ou l’éternité, s’il ne se révélait à son tour fini. L’être donc regroupe déjà deux termes : le présent et le passé, tandis que le futur reste ouvert du fait que la propriété essentielle (au sens où elle prend la place de l’essence et demeure incomprise) du réel et de son inextinguible parenté avec le donné : le malléable. Le malléable serait quelque chose comme les limbes de l’être. Il s’articule en tant que propriété constitutive du réel, qui permet sa résolution vers l’être et qui explique l’enversion. Non seulement il ouvre la résolution de la contradiction par autre chose (une autre explication) que le donné infini de nature contradictoire et indéfinissable (la pensée du transcendantalisme, et la raison pour laquelle il ne parvient à définir l’infini, l’Etre ou le divin), mais il donne les clés pour comprendre que ce qui est passé soit encore : ce qui est passé n’est pas trépassé (contrairement à ce qu’estiment les matérialistes avec Epicure ou Zola); il est ce qui confère au réel sa continuité; il fait que les formes passées n’ont pas disparu dans le néant. Le néant est l’expression paresseuse et inadéquate de cet état qui est articulé avec l’être de l’existence. L’éternité ou l’infini en sont deux autres définitions, différentes radicalement en ce qu’elles placent l’état du côté de ce qui est, quand le non-être verse dans le positionnement absurde. La notion d’existence de cet état diffère de l’ordonnation morcelée, singulière et finie qui caractérise l’être. Ce que nous prenons pour l’éternité dépeint un état de béatitude, au sens où le bonheur résiderait dans la communion des êtres morcelés. Le propre du malléable est de permettre cette réunion sans laquelle les êtres morcelés continueraient à s’ébattre dans leur finitude. Ce ne serait pas un avantage que d’allier éternité et singularité, mais une pensée contradictoire : le singulier peut seulement exister sous la forme qu’on lui connaît dans la finitude. A l’être et le non-être s'ajoute un troisième état : le malléable, qui se manifeste par la réunion des états précédents et le lien qu’il instaure entre ce qui est et ce qui n’est pas via ce qui peut permettre le changement. Contrairement à ce qu’estimait Platon, le changement n’est pas une conséquence de l’Etre, pas davantage qu’il n’est l’Etre selon les néo-platoniciens (comme Plotin). Le changement, c’est l’expression d’une autre dimension que ce qu’on nomme l’être. C’est le lien entre deux données qui se tiennent sur le même plan d’identité, quoiqu’elles soient incompatibles : l’être et le non-être. La mort ne signifie pas l’accession à cet état, car cela signifierait que l’existence est un état indépendant, coupé des autres états : la mort serait alors un sas. La mort signale que l’être est un état fini, qui est articulé avec les deux autres états. Si l’on articule ces trois états ensemble, l’on obtient ce que l’on nommerait Dieu : si la conscience n’a pas conscience d’être autre chose que ce qu’elle est, le réel implique autre chose que la vie. Mais cette autre chose ne débouche pas sur un état de supériorité qui dénote généralement ce que l’on entend par Dieu et qui implique un état supérieur (d'ordre transcendant). L’identité implique le renouvellement de ce qui est par le changement de ce qui a été. De telle sorte que ce qui est est le produit de ce qui a été et qui existe toujours et se trouve articulé avec ce qui est contradictoire. Y a-t-il un endroit où les points de vue partiels ne soient pas morcelés et incomplets? Le point de vue de l’être est incomplet; celui du non-être en tant que contradictoire l’est tout autant. Le malléable serait l’état de changement qui en tant que sa fonction de lien et de liant est informé se trouve au courant de la réalité des différents états du réel. Mais nous n’avons plus d’état parfait, éternel, omniscient, juste un état de lien qui peut définir le sens de Dieu (terme qui ne veut rien dire de précis). Raison pour laquelle la perception de l'entendement ne comprend pas le réel, mais seulement l’être. L’erreur provient non de l’insuffisance en être de la partie sur un plan d’ensemble qui se tiendrait néanmoins de manière linéaire sur l’Etre, mais sur la difficulté importante d’accès à l’hétérogénéité du réel, et sur le fait que l'entendement engoncé dans l’être a tendance à réduire le réel à l’être (les transcendantalistes substituent l’Etre au réel, ce qui reconnaît que le réel n’est pas le fini, mais qui déforme de manière incompréhensible l’infini en puissance d’homogénéité).

dimanche 11 août 2013

Je connais deux types de conceptions qui guident nos actions et qui sont les deux explicables par le même mouvement qui meut le réel. Le réel est mû par la quête de sens. Réaliser c’est faire sens. Mais cette sensitivité comprend deux sensibilités : soit la circularité, qui considère que faire sens, c'est cerner un sens qui ne peut être que circulaire; soit l’authentique progressisme qui désigne la croissance. La confusion entre circularité et croissance vient du fait que la résolution ne s'effectue pas de manière éliminatoire, mais de manière progressive et provisoire, avec la caractéristique de conserver l’inférieur pour former le supérieur. Le supérieur pour être définitif impliquerait que le réel soit fini au sens de terminé. Dès lors, le réel présente une version inférieure et l’autre supérieure, l’inférieure étant la césure du supérieur et y menant (comme la circularité mène vers la croissance).