mercredi 30 décembre 2009

Dans la conception cartésienne, l'univers existe en tant que donné. Dieu a créé l'univers, mais n'y est plus présent une fois l'univers créé. C'est le deux ex machina qui intervient dans cet univers de manière miraculeuse - quasi étrangère. Pour demeurer dans le dogme chrétien, Descartes postule son deux ex machina. Également pour une raison métaphysique : permettre une explication plausible de son système. Sans son deux ex machina, l'ontologie cartésienne est rigoureusement fausse. Dieu n'intervient par magie (de temps en temps) qu'au prix du viol des lois de l'univers matériel défini par Descartes. Selon la conception des ontologues classiques, emmenés par Platon, et des théologiens chrétiens, incarnés par Saint Augustin, la liberté est un mystère arationnel en ce qu'elle dépend de Dieu tout en gardant l'autonomie de la créature par rapport à son créateur.
Dans la conception mécaniste, que défendent Aristote et Descartes, avec des variations sur le même thème, la nécessité rend caduque la liberté. Cette nécessité est certes irrationnelle et partielle, puisqu'une certaine part de liberté tout aussi irrationnelle est sauvegardée par Descartes. Spinoza se verra comme l'ontologue-dissident par excellence en ce qu'il théorise avec un soin rationnel très spécieux la nécessité et qu'il rapporte la liberté à la puissance. En réalité, l'examen du système spinoziste indique qu'il est tout sauf un rationaliste, mais un irrationaliste qui est incapable de définir les fondements de son ontologie, à commencer par ce concept biscornu et bancal d'incréation. Dans les deux systèmes, on ne parvient jamais à définir adéquatement la liberté.
1) Dans le système classique de type transcendantaliste, l'on a l'impression d'une plus grande cohérence, mais d'une redondance inexplicable de cette liberté.
2) Dans le système immanentiste dissident (et fier de l'être), l'annonce triomphaliste de la cohérence de la liberté entendue comme nécessité est suivie d'un manque manifeste de cohérence et de sens. L'immanentisme ne parvient jamais à triompher du manque transcendantaliste, mais propose une définition indéfinissable en lieu et place de la définition classique. C'est la manière usuelle pour l'immanentisme de dépasser le transcendantalisme par la supériorité de l'impossible. C'est aussi en quoi l'immanentisme est nihilisme.
Par rapport à ces deux systèmes, le système classique et son successeur immanentiste, qui est devenu dominant et qui n'est pas à l'aise dans ce costume de faux subversif et faux marginal, le néanthéisme propose une interprétation plus cohérente et enfin explicable : tout se passe en termes d'incomplétude. La grande nouveauté tient dans l'incomplétude. Tant que l'on jauge en termes de complétude, on ne parvient pas à expliquer tout à fait de manière cohérente.
1) Du côté de la complétude transcendantaliste, le véritable transcendantalisme ne parvient pas à expliquer le passage de la complétude idéale à l'incomplétude sensible - de la complétude du tout à l'incomplétude de la partie.
2) Du côté de la complétude immanentiste, cette complétude-là est perverse car elle ressemble furieusement à de l'incomplétude transcendantaliste qui sans aucun changement notoire se déclarerait miraculeusement et subitement complète. Le désir complet à la sauce Spinoza est avarié car il repose sur un changement inexistant, fondé seulement sur l'arbitraire capricieux d'un volonté sans doute insatisfaite.
Reste le néanthéisme qui intronise l'incomplétude en lieu et place de l'incomplétude. Selon le transcendantalisme, la complétude existe en tant que tout (idéal). Selon l'immanentisme, la complétude existe en tant que partie. Selon le néanthéisme, la complétude n'existe pas. Dieu est incomplétude. Dieu dispose du pouvoir (incomplet) de créer le monde, puis d'en connaître l'évolution, mais il n'agit pas sur le monde qu'il a créé. Il a créé le monde et ce sont les parties créées qui agissent selon leur création.
Autant dire que les créatures agissent suivant l'impulsion du créateur et que l'incomplétude est le seul moyen d'expliquer la liberté de la créature à l'égard de sa création - et de son créateur. La liberté reprend sens, alors que dans la conception immanentiste, non seulement la liberté n'avait plus de sens, mais la définition de la liberté la ravalait à un accroissement de puissance aussi dérisoire qu'immaîtrisé.

vendredi 18 décembre 2009

Dans le système transcendantaliste, les idées popularisées par Platon tiennent lieu de lien transcendant. Dans l'immanentisme, les concepts interdisent tout rapport transcendantaliste et rompent avec l'idée en ce que ce sont des idées finies ici et maintenant, hic et nunc, qui accoucheront, dans un sens peu maïeutique, des idéologies. Dans le néanthéisme, le reflet institue le rapport d'enversion. Le rapport de prolongement devient d'enversion. C'est dans un sens délicieusement polysémique, de la réflection. La réflection est de la réflexion qui change le statut des idées en idées d'enversion.

mercredi 16 décembre 2009

Quand on assiste à la naissance d'un être, c'est le spectacle de la sortie d'un petit corps du corps maternel qui frappe le plus. L'émotion est dans cet englobement que la figure de la poupée russe marque le plus. D'où le mythe platonicien d'origine universelle, et plus précisément d'origine égyptienne et de tradition africaine (et non perse) : le sensible est partie intégrante d'un grand corps qui est le Tout ou l'Un. Cette tradition, Platon ne l'a pas inventée, tout au plus répétée avec son brio coutumier.
Le prolongement aboutit au mythe de l'englobement, selon lequel prolonger, c'est contenir. Le changement de conception et de représentation avec le néanthéisme, c'est que le prolongement devient enversion et que l'englobement devient le morcèlement indéfini. Dans le rapport transcendantaliste, la complétude existe, alors que dans le remplacement de la notion d'Être par celle de néant, l'incomplétude seul existe et explique pourquoi l'Être est aussi absent, aussi invisible, aussi inatteignable, aussi indéfinissable.
Dans le système transcendantaliste classique de type polythéiste, le changement n'existe pas ou n'est reconnu que comme quantité négligeable. Le même est l'espace de la divinité. Le changement est le signe que l'on se meut dans le sensible - et que l'on est antithétique à la divinité. Dans la mentalité polythéiste, le changement est tenu pour une dégénérescence : changer, c'est ne pas avoir accès à l'éternité, à l'absolu. Le changement est inclus dans l'éternité du même. La mutation du polythéisme en monothéisme ne rompt pas le transcendantalisme parce que le mécanisme du prolongement demeure. Selon ce mécanisme, le néant n'existe pas.
Le renversement monothéiste divinise à présent le changement de manière paradoxale : il s'agit de constater que le monde de l'homme s'est unifié et que le même correspond à la figure de l'homme unique. Le changement divinisé est une conception bigarrée et complexe, selon laquelle le changement est en même temps l'éternité. Du coup, l'on ne parvient plus à définir cette divinisation qui est unique et qui pourtant ne se révèle pas simplifiée. L'éternité du changement est contenue dans cette unicité. Quand le changement était multiple, il correspondait au sensible dégradé.
Quand le changement est expulsé hors du monde de l'homme, sa divinisation paradoxale correspond à la catégorie de l'impossible : l'unique est aussi le moins compréhensible. Du coup, la stabilité polythéiste passe pour une supériorité par rapport à l'unicité fin de règne (transcendantaliste) du monothéisme. En fait, autant l'avènement de l'instabilité monothéiste était nécessaire, autant elle constitue un progrès évident en ce qu'elle valorise enfin le changement et qu'elle permet une phase de transition du transcendantalisme vers le néanthéisme.
Dans cette grille de compréhesion, l'immanentisme n'est qu'une transition assez décadente et baroque, mais elle possède
aussi toute son importance. C'est elle qui offre la nouvelle clé vers l'espace en introduisant de manière déformée et erronée la nouvelle interprétation du changement : non plus le changement-prolongement, changement plus ou moins dénié; mais le changement-enversion, changement assumé.
L'homme est le seul être à changer. S'il change, c'est qu'il échange. S'il échange, c'est qu'il est en contact avec une autre dimension du réel que le simple fini ou sensible. Cette dimension de changement ne cesse elle-même de changer en fonction de l'état de changement de l'homme.
1) Quand l'homme est pluriel, le changement obéit au modèle de l'échange par prolongement. La limite de ce changement intervient quand le modèle du prolongement se révèle faux : quand le domaine du sensible et le domaine extérieur se rencontrent et qu'il coule de source que les deux sont divergents, le modèle du prolongement explose et se commue en modèle d'opposition ou d'affrontement antagoniste.
2) Selon ce modèle, le changement par prolongement s'inverse en changement par antagonisme. La croissance devient décroissance. Du fait de sa particularité religieuse du changement, l'homme peut seulement croître ou décroître. Il ne peut demeurer stable. Le mythe d'une décroissance harmonieuse et contrôlée est l'illusion suicidaire et autodestructrice.
Dans le fonctionnement du processus d'échange - ou changement, l'homme se trouve constamment en contact avec des dimensions du réel qui ne sont pas identiques, mais qui sont en contact les unes avec les autres. Le savant russe Vernadski a désigné un de ces états théoriques sous le nom de
noosphère. Soit l'homme intègre sans cesse ces dimensions du réel qui ne sont pas sensibles, soit il ne les intègre pas. Soit il échange, soit il n'échange pas. S'il les intègre, l'homme croît. S'il ne les intègre pas, l'homme décroît.
- Dans le modèle de la décroissance, l'homme est bloqué dans un certain type de réel, qui est le sensible et qui englobe l'ensemble du réel habitable. Le restant est du néant pur en tant que néant.
- Dans le modèle de la croissance, le réel est habitable et la croissance de l'homme est la seule manière de procéder à l'échange.

I) Transcendantalisme.

Le changement repose sur le prolongement de type inclusif. Le transcendantalisme est la reconnaissance de l'inclusion et du procédé de dépassement inclus dans l'inclusion.
Polythéisme : dualisme. On contacte le grand Tout dans le prolongement. On nie dans l'opération de prolongement le rôle du néant. Le polythéisme exprime le système transcendantaliste le plus authentique, le plus faible et le plus viable.
Monothéisme
: la Trinité apparaît car il manque le néant. Manque un lien entre la perfection et l'imperfection; entre la complétude et l'incomplétude. L'inclusion de l'incomplétude dans la complétude rend inaccessible voire incompréhensible la complétude. La complétude est trop ardue à saisir pour l'incomplétude - le tout pour la partie.
Le transcendantalisme discerne la croissance, mais se trompe sur sa définition : le prolongement/augmentation.

II) Nihilisme.

Le changement est dans la destruction et l'antagonisme. Changement rare et prévisible. Le changement s'obtient à partir de la destruction.
Immanentisme : nihilisme moderne. Monisme de l'absence de changement à partir d'une stabilité ontologique se reflétant dans l'oligarchisme politique.
Hegel essaye d'opérer la synthèse entre le monothéisme et l'immanentisme avec son
Aufhebung, qui surmonte de manière finie, dans un système statique et stable. Du coup, on obtient un dépassement éreintant et impossible, un effort titanesque à la Sisyphe.
Le nihilisme est en faveur de la décroissance au nom de la complétude impossible et de l'adhésion au néant en tant que néant.

III)
Néanthéisme.

Dépassement selon un rapport d'
enversion et de réflection, dans lequel le néant est antithétique au dépassement. Il ne s'agit ni de surmonter/synthétiser, ni de détruire/décroître, mais de croître/diminuer.
Comprendre que la croissance passe par l'incomplétude de l'enversion, pas par le prolongement.
Nouvelle définition de l'incomplétude. On ne surmonte pas pour changer; on diminue et on néanthéise. C'est l'erreur de Hegel et c'est l'erreur spécifique de tous ceux qui sont pris dans les rets de la mentalité immannentiste. Influencés par le prolongement transcendantaliste et par l'antagonisme immanentiste, ils essaient le plus souvent de faire la synthèse comme Hegel et de tomber dans le consensus : opposition, puis synthèse/prolongement.
La croissance vers l'espace passe par l'opération de l'enversion, qui aboutit à la diminution croissante. C'est ainsi que l'on continue à changer et à croître.