mercredi 9 octobre 2013

La philosophie est devenue un discours rationaliste, selon deux critères : 
- selon le principal de son histoire jusqu’à présent (immanentiste et métaphysique), elle est un discours humain qui s’oppose au religieux et qui s’enorgueillit de cette humanisation; 
- selon le minoritaire, qualitativement primordial, l’ontologie, elle est un discours humain au service du religieux, qui permettrait de découvrir le sentiment religieux par les voies de la raison. 
Dans l’époque moderne, la philosophie est plutôt devenue le discours rationaliste qui concurrence le religieux, de telle sorte que la philosophie serait :
- soit le discours plus valable que le religieux, sorte de rationalisation religieuse (comme ces philosophies qui fonder le Christ rationnel et supérieur) qui remplacerait le religieux, 
- soit un discours qui serait plus valable que le religieux parce qu’il en serait l’opposé et en montrerait le caractère obsolète et superstitieux (comme Spinoza à l’époque moderne, qui fonde l'immanentisme). 
La voix de la philosophie a été bâillonnée par ces deux chemins opposés, faux les deux, issus de l'ontologie et de son concurrent la métaphysique, depuis Platon et Aristote. Le destin de la philosophie est d’incarner le discours religieux, de prolonger le discours religieux traditionnel par l’avènement du rationalisme au service du religieux, ce qui transformera la forme de la philosophie et libérera le pouvoir supérieur de la parole et du verbe, qui réside dans la créativité.
Il n’est pas question que la philosophie remplace le discours religieux de type rationaliste, suivant la rêve des esprits rationalistes, qu’on peut faire remonter à l’époque moderne à Spinoza, et dont Nietzsche donnera les accents les plus explicites et les plus délirants à la fin du dix-neuvième siècle. La folie comme terme de ce rationalisme antireligieux et seulement humain est le symptôme le plus intéressant, car il montre que l’homme ne peut vivre séparé du réel, en façonnant un monde cloisonné et clôturé qui s’oppose au réel. Cette inclination perverse, au sens littéral où elle prend le chemin à l’envers, dérive naturellement vers une alternative élitiste. La philosophie doit poursuivre l'oeuvre du religieux présent, dont la pointe est monothéiste, de telle manière que le discours philosophique constitue l’avnat-garde de remplacement du monothéisme et non son opposé. Ce changement majeur annonce que le religieux est en train de muter de la manière la plus innovante qui soit, puisque c’est son changement le plus important depuis son apparition sous forme de transcendantalisme, plus important même que le changement monothéiste. Sa particularité est de remplacer par la puissance du discours humain l’élan mystérieux et élitiste de la prophétie. Ce changement dans le religieux implique le changement de l'expression philosophique. Car si le choix du rationalisme a engendré le dévoiement (métaphysique et immanentiste) plus que le dévoilement de ce que le rationalisme comporte de supérieur au religieux transcendantaliste, de ce qui fait que le religieux à venir après le transcendantalisme sera philosophique, c’est que la raison n’exprime que la partie humaine et figée de la pensée. La philosophie en doit exprimer la fine pointe. Le religieux doit exprimer la reconnaissance que l’homme produire le religieux supérieur au révélé, et que le religieux ne vient pas d'ailleurs que de l’homme. Cette condition, loin d’impliquer que la philosophie soit matérialiste ou athée, induit plutôt que le rationalisme soit l’expression inférieure et incomprise de ce que porte le discours philosophique. Le rationalisme mène vers ces chemins et contient, s’il prend le moyen de la raison pour la fin de son discours, l’erreur méthodologique qui dénature la philosophie et la fait passer pour rationaliste. Le rationalisme comme fin comporte la coupure de l’homme avec la réalité religieuse, entendue comme ce qui permet à l’homme d’accéder à l’extérieur qui lui est supérieur et qui est malléable et extensible, ce qui fait que, dans ce cas et jusqu’à présent, la philosophie ne pouvait être religieuse, ni mener vers le religieux. Pour que la philosophie soit l'expression du sentiment religieux à venir, il faut qu’elle accède à sa forme entière, pleine, alors que le rationalisme exprime la césure de la pensée et sa réduction au rationalisme. Et cette forme c’est la créativité, entendue comme la faculté de la pensée à se connecter à la dimension malléable et extensible du réel. La raison se trouve au service de cette créativité, mais il convient de redéfinir la créativité, à partir du moment où l’on s’avise que l’on ne crée pas à partir du néant, mais que l’on comprend mal ce qu’on nomme le mécanisme de la création, ou la créativité, alors que l’on devrait l’appeler en attente d’un terme plus sûr l’inventivité, soit la faculté qui existe dans le réel et qui dénote ce qui est divin d’ajouter du réel à ce qui existe déjà et qui se trouve donné.