mercredi 13 juillet 2011

Le mythe de la complétude, de la finitude renvoie à la stabilité. On peut se demander si Nietzsche croit vraiment que ce sont les ontologues avec à leur tête Parménide qui refusent le changement du devenir et adorent en lieu et place l'immobilisme puéril. Ce changement, ce devenir revoient au changement provoqué par la rencontre des contraires, selon la théorie d'Héraclite (l'être tient et subsiste du fait de l'opposition des contraires). Qu'Héraclite soit tenu pour le grand chantre du changement, on comprend pourquoi - puisque tel est ce changement.
Le fait que le réel soit tronqué et que le nihilisme soit contraint d'invoquer l'existence paradoxale, indémontrable et injustifiable du non-être - qui plus est dénié, constitue le signe que l'approche nihiliste repose sur l'erreur. L'impossibilité de définir l'infini est l'autre moyen d'approcher de l'erreur monumentale et fondamentale dans la compréhension du réel. Le néant est un mot creux, une poubelle sémantique commode et aberrante, qui ne possède aucun sens positif : il est formulé de manière entièrement négative (d'où l'attrait des théoriciens nihilistes pour la théologie négative qui présente le mérite d'approcher du nihilisme par l'aspect du négatif reconnu indépassable); il repose sur l'idée selon laquelle le langage ne peut définir ce qui n'est pas.
Le langage n'aurait pas accès à la partie majoritaire du réel et ne pourrait que s'attacher à comprendre le réel qui est. Comment savoir que ce qui n'est pas est d'une manière limitée et paradoxale, si notre seul moyen de connaître, le langage, ne peut pas le connaître - justement? C'est l'un des moyens irrationnels invoqués, qui permettent d'écarter l'irrationalisme non pas comme une limite posée à la connaissance et au rationnel; mais comme l'introduction de la possibilité contradictoire dans le lieu du rationnel - le langage.
Idem avec la complétude ou la finitude, qui passe à côté du réel en invoquant l'irrationnel du non-être, alors que l'irrationnel tout comme le non-être sont deux mots-valises entièrement négatifs (des positifs rationnel et être). Que cache le non-être? Quand un mot est dénué de sens, comme c'est le cas du non-être, il ne peut qu'évoquer quelque chose - s'il n'exprimait rien, on rétablirait le non-être avec usure et déni. Dès lors, le recours au non-être ne cache pas l'irrationnel, l'absurde et autres joyeusetés invraisemblables, mais porte sur la structure du réel. Si l'on rétablit derrière la dégradation la théorie envisageable : le réel n'est pas formé en mode homogène, mais en enversion.
Le reflet évoque cette idée d'infini en constant mouvement. L'infini, c'est le mouvement. On notera que les philosophes de l'Antiquité comme les Eléates qui se penchent sur la définition du mouvement ne parviennent jamais à définir le mouvement - pas davantage que l'Etre, le langage et tous les fondements de l'ontologie. Le réel, c'est le mouvement, le reflet. Le changement n'est que la conséquence de ce mouvement perpétuel du reflet. Il est imprécis de définir le réel comme le changement, bien que les néo-platoniciens aient proposé cette définition avec profondeur (osant surtout, contre la doxa platonicienne, proposer que le Non-Etre se situe au-dessus de l'Etre, le différenciant du non-être de la matière inférieure dans le champ du sensible).
Quand on comprend que la structure du réel se pose en enversion et que le propre du réel est de changer en mouvement, selon le va-et-vient du reflet, la stabilité est une quête dénuée de sens te renvoyant à l'erreur. L'erreur est stable. L'erreur consiste à stabiliser un objet dans un réel en constant changement. Mais le changement n'aboutit pas à la stabilité, comme chez Héraclite, mais à la création. D'où le fait que le réel croît constamment, quand la stabilité aboutit ne mode de changement et d'infini à la destruction (soit la décroissance).
L'erreur détruit parce qu'elle se veut stable. De même que l'erreur est inférieure à la vérité, de même la stabilité est inférieure à la croissance et au changement. La théorie la plus réelle est la théorie supérieure. Le propre de ce qui est supérieur est d'être ne mouvement. Que l'on ne puisse définir le changement indique que le changement est le propre du réel, non pas que l'indéfinissable soit le propre de ce qui est réel (au sens de divin), mais que le langage ne peut accéder à l'infini que de manière toujours partielle et indéfinie.

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