jeudi 14 juillet 2011

Qu'est-ce que le néant? Soit que le rien existe - de manière paradoxale; soit la contradiction. Si l'on opte pour la contradiction, c'est que le néant engendre le changement et travaille pour le changement. Alors que les oligarques entendent imposer l'immobilisme et le fixisme, leur influence la plus brutale et prédominante survient au moment où le changement qualitatif se produit. Autant dire que de manière ironique et involontaire, la soif d'immobilisme oligarchique qui est fondée sur le néant accélère et précipite le changement en prétendant le bloquer et l'empêcher.
Le sacrifice classique (polythéiste) est censé rendre favorable le changement par l'intervention du divin. On sacrifie ce qu'on a de plus cher (intime, son fils, ou un agneau pour le berger) pour payer le prix au changement propice du cours du réel. On sacrifie quand le cours du réel est défavorable. Le sacrifice se produit de sa manière la plus fréquente sous le polythéisme - il tend à s'abolir par le monothéisme, notamment chrétien. Le polythéisme envisage l'immobilisme du divin comme modèle en estimant que l'on peut parvenir à l'immobilisme en rendant favorable le changement, comme si le changement favorable menait au stade supérieur et immobile du réel (le changement dénotant une dégradation de l'immobile supérieur, que figure le panthéon des dieux); alors que le monothéisme, en retournant la définition même/autre, envisage le changement comme le propre du divin (le divin change de manière divine, donc positive, le sensible qui est devenu le même).
Le monothéisme va vers un allégement considérable du sacrifice, voire une suppression définitive du sacrifice dans le christianisme (après le sacrifice suprême du Christ), car dans une conception où le divin est le changement, l'action du sacrifice dans le sensible devient superflue. Elle répéterait de manière inférieure le changement, par rapport au changement divin et supérieur. Le nihiliste serait plus proche du polythéisme que du monothéisme, au sens où le polythéisme propose un schéma théorique du divin proche du Même. Raison pour laquelle unNietzsche promeut le polythéisme par rapport au monothéisme (et le monothéisme musulman qui permet un certain sacrifice rituel et animal sur le christianisme). Mais Nietzsche préfère (on le comprend dans son optique) les pratiques étranges, violentes et étrangères du dionysiaque sur le polythéisme institutionnalisé.
Avec des nuances d'importance, qui expliquent pourquoi le dionysiaque nietzschéen n'est qu'une inspiration et subirait en cas de réussite du projet immanentiste de Surhomme des inflexions capitales : le nihilisme parie sur un être minoritaire, miraculeux et inexpliqué (inexplicable), aussi fini qu'immobile, dont le changement serait occasionné par l'introduction de non-être dans l'être (la théorie du sacrifice transcendantaliste est gratuite et inexplicable dans le nihilisme). Le changement serait provoqué par le non-être, sans qu'on sache bien pour quelles raisons cette collision être/non-être a lieu. Le changement se trouve prêté à l'action du non-être, qui ne peut subir la divinisation; et l'être immobile est unique et (lui aussi) sans valeur divine.
Le projet de tout nihiliste est d'opérer le changement qui l'avantage définitivement, soit qui installe une bonne fois pour toutes l'oligarchie - suite à quoi tout changement sera banni - et le projet nihiliste d'immobilisme statique et fixe (le fixisme) serait promu de manière définitive par les oligarques au pouvoir. Jusqu'à présent, les différentes oligarchies ont échoué dans ce projet inquiétant où l'on substitue au divin l'homme pour n'avoir jamais réussi à définir l'être de manière précise. Aristote va le plus loin dans le nihilisme avant l'immanentisme, qui énonce que le réel est le fini, mais cette définition demeure indéfinie à son tour. Qu'est-ce que le fini?
C'est encore trop vague. La révolution de l'immanentisme est radicalisation du nihilisme, au sens où elle apporte une définition précise du fini : la complétude du désir. L'immanentisme fixe (dans tous les sens du terme) le fini sur le désir. C'est précis. Qu'est-ce que le rationnel? Peut-être faudrait-il partir de ce terme pour comprendre de manière atavique ce qui se produit avec la mentalité nihiliste - en quoi toute mentalité qui perdure est sincère, même quand elle se trompe et qu'elle trompe.
La raison désigne ce qui mesure, soit ce qui rend sécable et fini. Deux manière d'entendre le rationnel : une manière est de considérer que le rationnel peut dire l'infini; l'autre que le rationnel ne peut dire que le fini. La première débouche sur les théories transcendantalistesqui sont des réponses au nihilisme; la seconde engendre deux interprétions : l'interprétation intermédiaire de la théologie négative, selon laquelle on ne peut pas dire ce qui est; l'interprétation contraire selon laquelle le réel est fini. En réalité, la distinction entre théologie négative et nihilisme est des plus ténue, puisqu'un philosophe nihiliste antique de premier plan comme Démocrite pense que l'être existe, mais ne peut se dire (Gorgias lui répondra de manière désinvolte).
La différence est que le théologien négatif estime que le non-être n'existe pas, alors que le nihiliste parie sur l'existence du non-être, soit le fait que le non-être diffère radicalement de l'être. Le théologien négatif estime que l'être est fait de manière inférieure sur le mode del'Etre. Le théologien négatif ose un pari rationnel des plus audacieux, voire incertains, puisqu'on voit mal en quoi la différence essentielle se situerait entre l'être et l'Etre. Le théologie naturel croit vraiment aux miracles.
Le nihiliste est plus conséquent, puisqu'il estime que la disjonction obéit à la différence. Mais il ne parvient pas à définir la différence. Pour lui, tout changement se fait dans la collision entre le néant et l'être, sans autre précision. Le sacrifice sert à changer le cours du réel quand il est défavorable aux plus forts, puisque la loi du plus fort prédomine. Le schéma nihiliste est le suivant : le changement fait suite à la collision nécessaire et hasardeuse entre le non-être et l'être et provoque des changements qui sont favorables aux plus forts. Plus on provoque de changement, plus le phénomène de changement est favorable aux plus forts.
L'erreur de cette conception, c'est qu'elle part du principe que le réel est favorable aux plus forts, alors que dans les faits, le sacrifice et la loi du plus fort ne marchent pas en faveur des oligarques du moment. Le transcendantalisme considère que le sacrifice permet de rendre favorable le changement contre la loi du plus fort. La connexion entre la loi du plus fort et le nihilisme rend fausses ces deux conceptions et permet de définir le néant en tant que contradiction et chaos comme la théorie dont l'application es la loi du plus fort.

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