dimanche 21 février 2010

Le propre du religieux est de relier l'étranger à l'humain, de rendre familier ce qui est étrange et inconnu. Selon cette logique, le nihilisme est pervers en ce qu'il retourne le sens pour légitimer l'opposition irréductible et antagoniste du réel fini et du néant infini. Où le but du religieux est de relier le fini et l'infini, la stratégie du néant est de les opposer. Le religieux est ce qui relie l'ordre fini humain avec l'infini. Du coup, le religieux est l'opération qui permet de finitudiser l'infini en le définissant : l'intégralité du fini humain plus une partie supplémentaire définie et limitée, qui est présentée comme l'absolu et la preuve de l'infini. C'est à la fois vrai (l'infini existe) et réducteur (l'infini est l'ensemble, pas une partie de réel finie et inconnu). Comme le monde de l'homme est condamné à croître ou à décroître (puis à disparaître), le religieux est contraint d'évoluer et de suivre ce changement qui est présenté comme progrès. Quand les limites du religieux sont finies (atteintes), le religieux change de peau, de norme, de limite. C'est le moment de déstabilisation inévitable que nous expérimentons actuellement et dont le prochain terme nous est inconnu. A chaque changement religieux, la nouvelle norme estime être définitive en ce qu'à chaque fois elle propose une définition du réel qui concorde avec l'infini et qui n'en demeure pas au fini. Pour que l'homme puisse progresser, il doit à chaque fois faire en sorte que l'étranger assimilable concorde dans sa structure religieuse. Dans l'opération transcendantaliste, le religieux consistait à relier le groupe tribaliste à l'étranger humain - de la tribu vers la Terre mondialisée et unifiée. Cette étape franchie, l'homme se retrouve bloqué. Il est tenté de décroître au lieu de poursuivre son mouvement salutaire et nécessaire. S'il veut croître, il doit redéfinir une nouvelle norme religieuse qui lui permette d'assimiler l'étranger à son monde. Tant que l'espace est appréhendé d'un point de vue transcendantaliste, il passe pour une bizarrerie plus ou moins menaçante - en tout cas, nullement une priorité. A partir du moment où la jonction est opérée entre l'espace étranger et le monde de l'homme mondialisé, l'homme peut partir en quête d'espace. Chose faite avec le néanthéisme, qui est le religieux suivant le transcendantalisme. Le point commun entre l'homme et l'espace est le néant. Dans la logique transcendantaliste, le néant n'existe pas ou à l'état d'accident insignifiant. Désormais, le néant est reconnu à l'état de réel et de pont entre l'homme et son aventure spatiale.

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